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Chapter 85 - Qui est le taré qui pouvait bien habiter ici ? (4)

Takeo ouvrit lentement les yeux, un bourdonnement sourd résonnant dans sa tête, une douleur lancinante prenant tout son lobe frontal et lui donnant une sensation d'étourdissement nauséeux, le simple fait d'ouvrir un tant soit peu ses paupières décuplant sa douleur par dix, en plus de la douleur soudainement ressentie dans ses yeux.

Une lumière crue l'aveugla presque instantanément. Elle semblait venir d'une lampe de comptoir—la sienne, il en reconnaissait l'éclat et l'intensité trop familiers, bien trop proches de ses yeux Un outil plutôt cher que lui a gracieusement offert son sensei.

En se rendant compte de sa position et de la froideur qu'il ressentait sur sa peau, il réalise qu'il se trouve allongé sur une surface froide et métallique, sûrement sa table d'opération. Qui visiblement a été nettoyée entretemps.

Ses bras sont actuellem… Non... son bras.

La douleur fulgurante dans son épaule droite qui le frappa à cet instant de réalisation lui rappelant brutalement la blessure qu'il venait de recevoir. Son bras droit avait été coupé, net et précis, comme si ce n'était que du papier. 

Bougeant difficilement sa tête, et ce, malgré des liens joignant son cou à la table, il jette un regard désespéré vers le moignon bandé de manière grossière avec quelques restes de tissus qu'il avait gardé en stock pour un usage personnel (pas que ses patients en aient une quelconque utilité) enroulé de manière lâchée et négligée sur sa blessure, d'où une douleur lancinante l'irradie. Les tissus, auparavant blancs, maintenant gorgés de liquide rouge, s'échappant occasionnellement par gouttelettes pour salir de nouveau cette table qui a vu tant de monde passer.

Et à présent, lui. Quelle ironie...

Ses jambes et son bras valide sont donc fermement attachés, des sangles solides lui coupant presque la circulation. En tournant légèrement la tête, il peut distinguer les contours familiers de son laboratoire — mais quelque chose ne va pas. La console principale clignotant avec des données défilant à une vitesse inhabituelle, et il sent qu'une ombre se dissimule dans les recoins de sa vision, masqué dans les ténèbres, l'observant dans un silence oppressant.

« Enfin réveillé, » commence une voix, dans un ton mélange de froideur, d'ennui profond et d'amusement. Un sourire pouvant être perçu dans la voix qui sonne bien différente que ce que takeo avait imaginé pour un shinobi envoyé pour le traquer.

Le traquer ?

Quelles informations confidentielles ont dû fuiter pour qu'un des cinq grands villages ait connaissance de cet emplacement et de ses activités ?

Est-ce qu'une taupe s'est glissé dans l'organisation ? Est-ce que quelqu'un s'est fait attraper et a parlé ? Jusqu'à quel niveau d'information a été mis à jour ? 

Est-ce que son maitre va bien ?

En réaction, Takeo se débat contre ses liens, le métal grinçant sous la tension. La douleur dans son moignon l'arrachant rapidement à toute tentative prolongée, et le faisant grimacer de frustration mêlée de souffrance. « Qui êtes-vous ?! Pourquoi êtes-vous ici ? » Sa voix étant rauque, la peur la teignant d'une urgence palpable.

Des bruits de mouvement en dehors de son champ de vision lui indiquent que l'intrus s'avance, terriblement proche de lui si la voix qu'il entendit lui donnait raison.

« Mon nom est Maximus Decimus Meridius, commandant des armées du nord. » dit-il avec aisance, d'une voix pleine d'autorité.

Takeo fronça les sourcils. Ce diminutif ne lui disant rien, mais l'énergie qui émanait de cette voix lui donnait une sensation de pression et de peur. Et une partie de lui se sent bizarrement manquée de respect... se fout-il de lui avec ce nom ?

"À oui c'est vrai, tu ne peux pas comprendre... oublie ça, considère-la comme une petite blague entre amis." La personne continue avec un ton d'ennui, s'arrêtant brièvement avant de reprendre.

« Quoiqu'il en soit, mon cher... Takeo ? C'est bien ça, oui ? Bref, mon cher Takeo, tu as beaucoup de choses à m'expliquer. »

« Que me voulez-vous ? Si vous cherchez de l'argent ou des armes, vous êtes au mauvais endroit. » Takeo amorce tout de suite, continuant dans le même temps de tirer désespérément sur ses liens.

 "De l'argent ? Des armes ?" La voix rétorque avec un certain amusement perçant

"Non, Takeo, si l'argent, les armes ou les plaisirs commun étaient mon but, penses-tu que j'irais chercher tout cela dans ce charnier qui est le tient ?"

La seule réponse de Takeo à cela est de déglutir, conscient des implications se cachant derrière cette phrase, attendant et redoutant la suite, pas certain que les secrets de son maitre puissent lui survivre.

" Non, je cherche des réponses. Ce laboratoire… Ces créatures dans les tubes… »

Apparait soudainement dans sa vision une main d'un aspect très juvénile ainsi que blanche comme peu de choses, celle-ci désignant d'un vague geste les capsules de stase, certaines remplies de formes humaines inachevées, d'autres de cobayes ayant déjà passé le point de non-retour.

« Qu'est-ce que tu fais ici ? Et pourquoi ? Quels sont les raisons et les projets se cachant dans l'ombre de cet antre de la mort ? Qu'espère-tu accomplir ?"

Takeo détourna le regard, son esprit cherchant frénétiquement une échappatoire. Il sait que s'il en révèle trop, son maître ne le lui pardonnerait jamais. Mais face à cet intrus, il n'est pas vraiment certain de survivre, peu importe ce qu'il puisse raconter.

« Ce… ce sont des recherches. Pour mon maître, » balbutia-t-il finalement, espérant tenir son agresseur suffisamment longtemps en haleine pour avoir le temps de se libérer et de prévenir son sensei via le sceau qui lui a été donné.

 

« Oui ton maître, je sais. » La voix confirme d'un ton pinçant, avant qu'une volée de papiers envahissent la vue du prisonnier, Takeo réalisant que le tas de papier maintenant éparpillé sur la table lui était familier.

« Il semble être une grande source de motivation pour toi, vu comment tu ne peux pas t'empêcher de le citer au moins trois à huit fois par page, cela en est épuisant."

"Je dois avouer que je suis impressionné par de tels talents en manipulation et en domination mentale, pour que même loin d'ici, peut-être à des pays entiers de distance, il continue de te tenir en laisse et de te dominer, occupant chacune de tes pensées même les plus profondes et personnelles, semant la peur et le dévouement à chaque instant dans ton esprit..."

"Vraiment très impressionnant, je devrais le rencontrer un jour... cela serait probablement... enrichissant."

"Mais trêve de bavardage inutile, je ne suis pas ici pour lui. Je suis ici pour toi, Takeo. Pour apprendre ce que tu sais… pour comprendre tout ce petit univers que tu as créé en ces lieux, ses implications, ses objectifs... et ses éventuelles utilités. »

"J'espère ne pas être déçu, ce serait dommage d'avoir fait tout ce chemin pour rien."

Un frisson glacé traversa la colonne vertébrale de Takeo. Mais malgré la certitude que ce type ne plaisantait pas, il ne trahirait pas son maitre aussi facilement.

Et même s'il le faisait, quel être pourrait comprendre le génie distillé dans ce laboratoire ? Certainement pas un simple shinobi, incapable de même de s'introduire sans être découvert dès la première seconde.

- « Ce que je sais est bien trop complexe », il répond d'un ton légèrement plus serein, plus que sûr de lui. « Même si je t'expliquais, tu ne comprendrais pas. »

« Tout ça, tout ce projet, ses complexités et ses aspirations, c'est bien au-delà de ce que tu pourrais appréhender. »

- « Essaye quand même… » Raconte-moi tout. Commence par ces tubes. Que sont ces choses ? Des cobayes mutilés ? Des clones ? Des expériences ratées ? Ou quelque chose d'autre ? »

Takeo hésite un instant, pesant ses options. Il n'a pas vraiment le choix. « Ce sont des prototypes », dit-il à contrecœur. « Des corps artificiels, conçus pour contenir du chakra hautement concentré, dans le but final de pouvoir créer une réplique parfaite de quelqu'un grâce à son adn, si ce n'est un tout nouvel être humain, sans passer par les étapes classiques, un véritable enfant de laboratoire, créé et développé grâce à la science."

"Mais… ils ne fonctionnent pas. La stabilité cellulaire est trop fragile. Ils finissent par… » Il déglutit. « S'effondrer. »

" Fascinant... Et toi ? Qu'espères-tu atteindre exactement ? Pour l'instant ?"

Takeo serre les dents à cette question, son esprit en ébullition. « Si vous êtes aussi intelligent que vous le prétendez, vous le comprendrez par vous-même. Libérez-moi, et je pourrai vous montrer. »

La voix laisse brièvement éclater un léger bruit semblable à un rire.

« Te libérer ? Pas tout de suite, Takeo. Tu es bien plus coopératif attaché à cette table. Mais ne t'inquiète pas. Si tes réponses me conviennent, je pourrai envisager de te relâcher. Un jour. »

Takeo sent une vague de désespoir l'envahir, mais il n'a pas le temps de donner de réponse. 

Sentant du mouvement dans son dos, il voit enfin apparaitre son ravisseur, ou du moins le dos de celui-ci, une chevelure bleue et longue, laissée dans une coupe lâche et non attachée. Ce n'est qu'en constatant la taille très réduite qu'il comprend la jeune nature de son ravisseur, rendant encore plus piquante son humiliation.

Takeo n'a que peu de temps pour intégrer cela que le jeune s'approche des consoles, ses doigts effleurant les commandes, les tapotant dans un rythme et une aisance ludique faisant se demander au scientifique s'il les comprenait intuitivement ou essaye simplement au hasard pour voir ce qu'il arriverait. Les lumières du laboratoire clignotent en réaction et un bourdonnement sourd résonne alors que les machines redémarrent lentement.

« Maintenant » déclare son ravisseur en se tournant vers Takeo, le laissant apercevoir son visage extrêmement jeune, même pour un genin. « Laisse-moi juger de la qualité de ton travail. »

Le laboratoire s'emplit d'une tension presque palpable, chaque seconde s'étirant comme une éternité. Takeo, impuissant sur sa table, sent son bras manquant comme un rappel cruel de sa défaite. Mais il ne peut qu'espérer que ses réponses pourraient suffire à satisfaire la curiosité insatiable de cet étrange visiteur, avant qu'il ne le tue de sang-froid. Ou qu'il ne fasse tout sauter en appuyant au hasard sur tous les boutons de cette machine de merde.

Arrêtant enfin de tapoter la machine pour ensuite se promener devant les tubes contenant les expériences, l'intrus se mure brièvement dans un silence quelque peu oppressant pour le scientifique, scrutant les capsules de stase comme s'il était en train de déchiffrer un puzzle complexe. Takeo le fixait, partagé entre peur, fatigue et mépris. L'étrange lueur dans les yeux de l'intrus le mettait mal à l'aise—comme s'il voyait autre chose que de simples échecs.

Il commence à avoir l'impression que l'homme, ou plutôt garçon, possède une sorte d'esprit dérangé, à moins qu'il ne soit simplement débile, donnant tout une attention complète et bizarre pour ce qui ne sont que des ratés, des échecs.

Un silence pesant s'installe, seulement troublé par le bourdonnement des machines qui reprennent vie sous les doigts du mystérieux intrus. Takeo, toujours attaché à sa table d'opération, sent son cœur cogner contre sa cage thoracique. Ce type… Ce gamin… Il joue avec ses appareils comme un enfant avec un jouet complexe, mais il y a quelque chose de trop méthodique dans ses gestes pour que ce soit du simple hasard.

L'écran principal du laboratoire s'illumine, projetant une lumière verdâtre sur le visage juvénile de son ravisseur. Des lignes de code défilent à une vitesse inquiétante. Takeo plisse les yeux, tentant de comprendre ce qu'il trafique, mais il lui est impossible de voir les commandes exactes qu'il entre.

Puis, soudainement, une alarme retentit.

Un bip grave, répétitif, saccadé.

Un frisson glacé parcourt l'échine de Takeo.

— Qu'est-ce que tu fais ? gronde-t-il, oubliant un instant la douleur cuisante de son bras absent.

L'intrus ne répond pas immédiatement. Il recule d'un pas, observant l'écran d'un air pensif. Puis, un sourire en coin étire ses lèvres.

— Tu disais que ces expériences étaient des échecs, n'est-ce pas ?

Son regard glisse vers les capsules de stase, où les formes inachevées flottent dans un liquide ambré. Certains cobayes sont immobiles, d'autres, à cause des modifications que l'idiot est en train de faire semble prendre vie, dans leur habituelle et propre façon, ignoble et pathétique, tremblant à peine, comme pris dans un sommeil fiévreux. Ce qui normalement indique qu'ils commencent à craquer sous le poids de leur propre existence.

"Oui…" souffle Takeo, toujours méfiant. "Ils ne tiennent pas."

Il détourne brièvement les yeux des cuves, sa gorge sèche, alors que son esprit, malgré la situation, s'emballe. Son ravisseur a réveillé en lui un réflexe qu'il connaît bien : celui du chercheur, du scientifique. Celui qui analyse, théorise, dissèque mentalement les résultats avant même qu'ils ne surviennent.

L'intrus hausse les épaules, demandant implicitement au scientifique de développer.

Takeo inspire profondément, cherchant un moyen d'expliquer à ce petit sans devoir trop vulgariser.

"On a plusieurs théories qui ont émergé suite aux différents et nombreux échecs, que je ne partage pas dans leur majorité. J'en ai une personnelle tandis que mon maitre semble en avoir la sienne, d'autres expérimentateurs et scientifiques que je n'ai pas eu l'occasion de rencontrer mais que je connais de par mon maitre semblent en avoir une autre."

Son regard retourne vers les capsules de stase, ses pensées s'ordonnant malgré le tumulte.

"Ma théorie, la plus simple et évidente de toutes, est celle du rejet cellulaire. Une structure biologique construite artificiellement a toujours des imperfections, des incohérences dans sa forme, son organisation. Nous avons beau utiliser l'ADN d'un individu parfait, le processus de croissance accélérée doit très certainement induire des instabilités. Trop de stress sur les cellules. Elles s'effondrent sous leur propre existence."

"Ce serait comme peindre en étant daltonien et sur une toile dont on ne peut entrevoir qu'une fraction de sa réelle forme et taille. Récréer un être humain à partir de simples morceaux d'ADN, comme un clone identique au corps de base, voire encore pire, un enfant issu de l'ADN de quelqu'un, est une tache bien trop méticuleuse et dont les tenant et les aboutissant sont bien trop inconnus pour que cela se fasse aussi rapidement, avec des connaissances aussi limitées."

"Sans compter le processus de croissance améliorée, cela doit créer un rejet et une incompréhension au sein des cellules, voire drainer trop rapidement leur capacités reproductives et régénératrices. Ou encore pourrait avoir des effets indésirables, comme faire mourir un nouveau-né de vieillesse accélérée, le corps et ses cellules ayant une compréhension différente de l'expérience et de la réalité, concrète et voulue. La même chose de notre côté."

Il marque une pause, observant les corps frémissants dans les cuves.

"Mon maître, quant à lui, défend une autre théorie, que... et malgré son génie... je ne partage pas totalement. Il pense que ce n'est pas seulement un problème cellulaire, mais un problème fondamental d'essence, d'esprit, une inconsistance au niveau même de l'âme."

L'intrus arque un sourcil, mais ne l'interrompt pas.

"Mais lorsque l'on tente de créer de toutes pièces un être vivant, cette relation n'existe pas. L'esprit n'a pas eu le temps de naître. Ce ne sont que des coquilles vides pleines d'énergie brute, mais sans le « lien » pour stabiliser cette énergie."

"Des sortes de coquilles vides ? " s'étonne l'intrus.

"Oui, on peut les charger de chakra, même de celui du donneur d'ADN, les revêtir d'un corps solide, fort, être sûr que son corps présenté sera le corps exact du corps de base ou l'imitation parfaite d'un corps humain, mais sans ce noyau nécessaire, elles tombent. Mon maître pense que la seule solution serait d'implanter dans les corps… une conscience préexistante, une âme alors."

"Ton maître veut implanter une âme errante dans un corps ? procéder à une réincarnation ?"

Takeo secoue la tête.

"Non. Une copie. Un transfert parfait de l'esprit d'un individu à un être vivant stable mais qui a sa conscience. Mais nous n'avons jamais réussi cela, à chaque tentative, intègre la brèche de l'intégrité. Ce qui arrive au mieux serait une conscience parcellisée, incohérente… au pire, une créature qui hurle sans pensée mais qui hurle pour vivre dans un déferlement de barbarie et de désordre."

Un grand silence se fait, à peine troublé par les machines.

"La seconde hypothèse existe. Poursuit Takeo, plus lentement. Une hypothèse élaborée par mes « collègues »." 

L'enfant croise les bras, attendant la suite.

"Certains pensent que l'être humain n'est pas qu'une simple somme biologique et énergétique. Que quelque chose d'indéfinissable, un facteur X, échappe à toute tentative de reproduction. Une sorte "d'intention" de la vie elle-même. Une force qu'aucun scalpel, aucune éprouvette, aucune machine ne peut générer.

Il serre les dents.

"Si c'est vrai… alors tout ceci est une impasse. Ce que je ne me permets pas de penser, pour moi, ce ne sont que de vagues divagations d'idiots baissant les bras aux premiers signes d'échec, indignes de l'appellation de scientifique. Inaptes à l'immortalité du souvenir."

"Mais quoiqu'il en soit, tout ceci est pour l'instant un échec, quoi que soit votre but avec ces créatures, vous pouvez laisser tomber. Que ce soit posséder des armes humaines, collecter des enfants pour apporter des kekkei genkai à quel que soit le village d'où' tu viennes, ou encore un sombre désir pour l'immortalité ou quoi que ce soit d'autre..."

"Quoi que tu veuille, tu peux abandonner, tu n'as probablement même pas les connaissances pour soigner un rhume, tout ce grand projet scientifique serait entre tes mains comme un pinceau dans les doigts d'un singe." 

L'intrus ne répond pas sur le champ. Il ne détache pas ses yeux du spectacle de chair et d'échecs qu'offrent les cuves. Chaque détail de chaque créature en état de stase artificielle s'affiche dans le tortueux registre de son regard. Cette créature-là qui est informe bout de chair très dure pourtant est guérie des tremblements cueillant la décharge électrique d'une machine qui vient d'être relancée." 

Puis, lentement, un sourire étire ses lèvres.

« Laisser tomber ? »… Répète-t-il dans un souffle, comme s'il goûtait les mots dans sa bouche, les pesait les uns après les autres. 

Son regard se fixe sur Takeo, son expression inscrutable, un mélange d'amusement et de quelque chose de plus profond, plus inquiétant, à peine dissimulé. 

« Tu soulignes que ces expériences sont vouées à l'échec… et malgré tout, vous continuez. Toi, tonmaitre, tous ceux qui sont passés par ce laboratoire avant toi. Pourquoi ? »

Takeo ne dit rien, serre les mâchoires. Il n'aime pas du tout où elle veut en venir. 

« Parce que la science est un cheminement, finit-il par répondre, mesurant ses mots. Un long processus d'erreurs, d'essais, de mensonges. On échoue jusqu'à ce que ça marche. »

L'intrus, qui continuait d'observer la créature encore frémissante dans la cuve, son regard soudain allumé d'une faim tempérée par le souvenir d'un passé peu glorieux, ne montre ni hésitation ni dégoût. Juste l'intérêt distante d'une curiosité froide et scientiste, peut-être quelque peu amusée, peut-être ravie. 

"Amusant... et plutôt admirable."

Takeo sent un frisson lui parcourir l'échine. Il connaît ce regard. Il l'a déjà vu, chez les personnes suivant son maitre lorsqu'elles le regardent lui ou un nouveau venu, chez ceux qui se repaissent de la faiblesse des autres. Mais chez ce gamin, c'est différent. Il ne semble pas seulement vouloir observer… il a dans les yeux le regard de quelqu'un prêt à porter le coup, prenant simplement son temps dans ce qu'il sait être une situation qui lui est totalement favorable.

"Alors." reprend l'intrus d'un ton presque désinvolte, ces créatures ne sont que des coquilles vides ? Des enveloppes sans conscience, sans passé, sans résistance ?

Takeo ne répond pas tout de suite, se contentant de le fixer.

"Exactement, ces choses ne sont pas viables, de clairs échecs."

Le sourire du garçon s'élargit, révélant un éclat de dents blanches.

"Oh, mais au contraire… ces... choses, elles sont parfaites. Pour moi"

"Les étoiles ne peuvent briller sans obscurité.

"Tout comme ces petites choses n'ont de valeur que pour moi. Encore plus dans ce que tu considères un échec, leur manque de conscience."

Il pose une main sur la cuve la plus proche et ferme brièvement les yeux, comme savourant quelques idées sombres grouillant dans les recoins de son esprit.

Avant qu'un rictus n'apparaisse sur son visage, comme s'il venait de se rappeler un souvenir désagréable, ou comme quelqu'un tentant tant bien que mal d'ignorer la conversation bruyante de quelqu'un d'autre dont il ne veut entendre et savoir rien.

Le rictus disparait rapidement pour que son visage revienne à son expression froide habituelle, bien que teintée de soulagement.

"Tu vois, d'ordinaire, quand je les assimile, et ce quel que soit leur âge, origine, espèce, qu'ils soient ennemis ou ami, humain ou non, en morceaux ou entiers, je prends tout. Dans cette quête de pouvoir qui est la même, rien n'est laissé de côté, pas que j'aie vraiment le choix en la matière. Tout me revient à la fin ; l'apparence, la puissance, le chakra, les jutsu. Et le plus important, tout ce qu'il possède de capacité spéciale. Kekkei genkai sont les plus beaux présents, rares et protégés comme ils sont..."

"Malheureusement, pour avoir le jutsu, il faut l'idée, pour avoir l'idée il faut le souvenir, pour avoir le souvenir il faut la mémoire. Et la mémoire est quelque chose de difficilement séparable du corps, alors la séparer en plusieurs morceaux... obligé que je suis de prendre tout ce qu'ils possèdent, dans cette totale consommation de leur être."

"Quand ce sont des animaux, rien de bien méchant, quelques souvenirs épards, une courte vie, peu de liens, un cerveau peu développé, et de vagues brouillons sur ces concepts étranges que sont la morale et les émotions, parfois présent, mais toujours dans une version faisant tellement pale figure face à cet enchevêtrement d'émotions et de moralité qu'un cerveau humain a pu produire, bien que j'oublie les animaux d'invocation et nourris au chakra probablement, mais bon, la rareté."

"Alors que les humains, c'est une autre histoire..."

"Le corps, c'est compliqué et extrêmement long, voire même douloureux si je peux être honnête. Le chakra, aussi. Mais alors, l'esprit, la mémoire, le yin... "

"L'esprit, lui, il s'accroche, lui est plus compliqué qu'un corps différent qui est étrange à diriger, qu'une capacité dont on n'a pas l'habitude, de sensations inconnues pour un être humain. L'esprit il laisse des traces, des souvenirs qui ne sont pas les miens, des sensations que je discerner pour me rendre compte que je ne les ai jamais vécues, des pensées parasites qui veulent exister à ma place, des ressenti face à tel ou telle chose que je ne pensais pas avoir, choses que dont j'ignorais l'existence même plus tôt, d'autres que je connaissais déjà mais qui me semblent maintenant différentes..."

"Et quand l'esprit est complet... certains chuchotent des semaines durant avant de disparaitre, certains se fondent en moi, d'autres résistent et partent se cacher au fond de mon esprit, dans des recoins que je ne connaissais pas. D'autres doivent être écrasé, enchainés, noyés sous ma volonté, et parfois, ils se débattent encore, bien que futilement, l'esprit humain est comme ça."

" Comme une infection qui refuse de mourir. Comme un centenaire refusant d'accepter la réalité de sa mort imminente."

Il rouvre les yeux et fixe Takeo d'un regard trop intense.

Sa main glisse sur la surface lisse du verre.

"Mais ces choses… elles n'ont rien de tout ça. Elles sont vierges. Juste de la chair et du chakra. Pas d'âme, pas de souvenirs, pas d'opposition. Un repas facile. Des kekkei genkai prêt à être collectés, sans aucun des principaux problèmes précédemment encourus, et avec seulement une qualité légèrement moindre, grâce à tes efforts et à ceux de ton maitre."

"Donc je te remercie pour tes "échecs" mon cher takeo."

Takeo comprend maintenant. L'échec de ses expériences… c'est ce qui rend ces créatures parfaites pour ce monstre.

"Tu es un malade" crache-t-il.

Le garçon rit doucement.

"C'est probablement ce que pense chaque mouton quand il voit le hachoir de l'éleveur."

Puis, dans un mouvement fluide et naturel, il pose sa main à plat sur la console et active une commande.

Les cuves s'ouvrent dans un bruit de dépressurisation.

L'air du laboratoire s'emplit aussitôt d'une odeur rance, mélange d'ozone et de chair humide. Les corps s'effondrent lourdement sur le sol métallique, tremblants, incapables de tenir debout.

L'intrus s'avance, lentement.

Takeo tente de détourner les yeux, mais il ne peut qu'observer, fasciné et horrifié.

D'un geste presque tendre, le garçon pose une main sur la tête d'une des créatures qui gargouille faiblement.

Puis sa main, comme sous un feu de mille degrés, semble fondre en un amas bleuté.

Inhumaine.

"Ne t'inquiète pas. Je ne vais pas te consommer, ta tête est bien trop remplie pour les petits points positifs que tu pourrais m'apporter. Et j'ai des mets plus appétissants sous les yeux..."

"Par contre j'en suis désolé, mais je n'ai pas les moyens et surtout pas la patience de t'offrir une sépulture."

"En espérant que ton maitre soit plus enclin que moi à se salir les mains..."

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