Depuis plusieurs années, il se passe un phénomène étrange.
Quand la Lune est apparue dans le ciel 1000 fois. Elle devient bleue puis le monde se remet à zéro. La mémoire de tout le monde est effacée, sauf la mienne.
Et donc, cela fait un certain temps que je suis lycéen. Je ne vieillis pas, comme si l'univers lui même m'avait oublié. Au contraire, moi, j'ai une mémoire photographique. C'est ironique, non ? Chaque visage, chaque conversation, chaque geste ou expression des personnes autour de moi, je serai le seul à m'en souvenir pour le reste de ma vie.
Pour la 4ème fois maintenant, je me réveille à l'hôpital, là où tout a commencé.
Je me levai de mon lit, décidant de ne pas attendre l'infirmière. C'était déjà le milieu de l'après-midi mais je me dirigeai vers la cafétéria.
Même si j'avais une mémoire photographique, je me perdais très souvent. Mon regard se baladait sur les murs, les tableaux, les personnes, les bruits des gens qui passent, je me mettais à réfléchir et me voilà perdu.
C'était la première fois que ça m'arrivait dans cet hôpital, mais, d'habitude, je ne me promenais jamais seul.
« Vous êtes perdu Monsieur ? »
J'entendis une voix derrière moi et me retournai.
« Non, j'allais à la cafétéria.
- C'est à l'autre côté du bâtiment. rétorqua la petite fille
- ...
- Voulez-vous que je vous emmène ? » proposa-t-elle
J'hochai la tête.
« Comment tu t'appelles ? demandai-je
- Je m'appelle Lina, et vous Monsieur ?
- C'est un joli prénom. Moi c'est Rok Soo.
- Le tien il est bizarre. »
Un silence s'installa.
« Pourquoi es-tu dans cet hôpital ? continuai-je
- J'ai un cancer en stage terminal. Je vais mourir bientôt.
- Ah. Tu es sûr que tu ne devrais pas te reposer ? »
Par habitude, mon visage ne montrait aucune émotion.
« Vous êtes bizarre, Monsieur.
- ?
- D'habitude, quand je dis ça, les gens me regardent avec pitié. expliqua-t-elle
- Ce ne serait pas désagréable ?
- Si, ça l'est. »
Elle s'arrêta.
« On est arrivés, Monsieur.
- Merci. »
Le lendemain :
« Bonjour, Monsieur Rok Soo. dit Lina
- Bonjour.
- Vous vous êtes encore perdu ?
- ...J'étais pourtant sûr que c'était le bon chemin.
- C'est pas grave, on se sent un peu seul ici de toute façon. Venez, je vais vous guider.
- Vraiment ? Dans ce cas-là, je te rendrai visite la prochaine fois.
- Oui, et vous demanderez à une infirmière de vous montrer le chemin aussi, "la prochaine fois".
- ... »
C'est ainsi que nous sommes devenus amis.
« Monsieur Rok Soo-
- Tu peux enlever le "Monsieur".
- ...D'accord. J'ai appris un tour de magie l'autre jour, tu veux que je te montre ? »
Lina, la petite fille que je rencontrais pour la première fois, avait des étoiles dans les yeux.
« Si tu veux, je connais aussi quelques tours, je pourrais te les apprendre. proposai-je
- D'accord ! »
Elle commença à attendre mes visites avec impatience.
« Rok Soo ! Tu peux me lire une histoire ? »
Une fois, elle m'a dit que personne ne venait la voir. Elle n'avait pas de famille.
« Rok Soo. annonça-t-elle d'un air sérieux, Voici un plan de l'hôpital, tu vas essayer d'aller à la cafétéria tout seul. Mais je te suivrai au cas où tu te perds.
- ...T'as l'air de t'amuser. »
Nous nous sommes rapprochés.
« Rok Soo ! C'est de l'autre côté !
- Ah, ok. »
Assis sur un banc, Lina me disait :
« Je n'ai pas envie de faire cette opération.
- Vraiment ?
- ...
- Pourquoi ? »
J'avais l'impression qu'elle voulait que je l'interroge.
« Ça me fait peur. » avoua-t-elle
Je lui caressai la tête.
« Tu sais, ma mère aussi avait un cancer.
la confortai-je
- Elle est comment ? »
Je regardai vers le ciel.
« Elle était gentille. Elle était très belle. Je rappelle de sa voix douce quand elle me chantait une chanson. Je m'asseyais sur ses genoux et je fermais les yeux. Ses cheveux sentaient le lila. » expliquai-je
Je fermai les yeux.
« Quand elle souriait, c'était comme si tout ce qui était autour d'elle s'illuminait. continuai-je
- J'aimerais bien la rencontrer...
- Elle est morte. la contredis-je
- ... »
Je regardai Lina.
« À l'époque, nous n'avions pas assez d'argent pour lui payer une opération. »
Même si ce n'est pas pour cette raison qu'elle est morte.
« Alors, j'aimerais bien qu'au moins toi tu sois opérée. » conclus-je
Lina semblait hésiter.
« Tu sais quoi ? » soupirai-je
Elle tournai la tête vers moi.
« Tout se passera bien, parce que je serai à tes côtés. »
La petite fille sourit.
« Oui ! Ne sois pas en retard ! » s'exclama-t-elle
3 jours plus tard, son opération eu lieu.
Au final, je me perdis encore une fois.
Après beaucoup de persévérance, je finis par demander à une infirmière de m'emmener où était Lina.
Quand je suis arrivée, on m'a dit qu'elle était morte. L'opération avait échoué.
Je pensais à elle, qui avait m'attendre, pensant que je viendrais.
Elle, qu'on endormit pendant qu'elle gardait espoir que je vienne lui tenir la main pendant son sommeil.
Elle, l'amie avec qui j'avais passé les derniers jours, qui mourrait tandis que je ne venais toujours pas.
Je me souvenais aussi des mots que je lui avais dit.
[À l'époque, nous n'avions pas assez d'argent pour lui payer une opération. Alors, j'aimerais bien qu'au moins toi tu sois opérée.]
N'était-ce pas déjà la 2ème fois que quelqu'un mourrait à cause de moi ?
Serait-elle toujours en vie si je ne lui avais pas dit ça ?
Tout comme "lui" ?
Je secouai la tête.
Un jour, nous avions eu cette conversation :
« Lina, qu'est-ce que tu ferais si tu pouvais retourner dans le temps tous les 1000 jours ?
- Je trouverais ça super.
- Même si tu es effacée de la mémoire de tout le monde ? Que tu es la seule à te souvenir de tes amis ?
- Si je suis la seule à me souvenir d'eux, alors on passera plein de bons moments pour que je puisse avoir de super souvenirs. Et je recommencerai à chaque fois. Après tout, ce serait idiot d'éviter ses meilleurs amis juste parce qu'on a peur de s'attacher à eux. Au contraire, ce serait déjà trop tard ! Je pense que cela ne ferait que du mal. S'ils ne se rappellent pas de nous ? Pas de problème ! On peut tout reprendre à zéro et leur créer des souvenirs encore meilleurs ! Et puis, 1000 jours, c'est long.
- Je n'avais pas vu ça comme ça. »
Cela ne servait à rien de se morfondre sur sa mort, après tout, je suis sûr qu'elle aurait voulu que je me souvienne d'elle comme d'un bon moment, et c'était le cas.
« Rendez-vous dans 1000 jours. » murmurai-je