Note : Lorsque vous voyez "~" cela annonce une pensée de personnage. Bonne lecture !
Sur le trajet du retour, Yamaguchi me questionna.
— Tu connais la légende du feu de camp ?
— La légende ?
— Non.
— T'es vraiment dans un autre monde, Yamazaki-kun.
~C'est vous qui êtes dans un univers différent du mien, soupirai-je. ~
— Le destin liera ceux qui se tiennent la main à minuit pile, et ils formeront un couple !
~Un futur prédestiné ? Quelle vaste blague. ~
Si le destin choisissait à nos places les conséquences de notre vie, ce serait bien plus triste que d'encaisser ce qu'a vécu Chizu. Et même s'il existait réellement ça ferait des années que je serais allé l'affronter.
~Aucun intérêt d'en tenir compte, personne ne peut croire à ces légendes absurdes.~
Le lendemain, nous nous consacrâmes à la préparation du feu de camp. Notre groupe, composé de moi et mes camarades, reçûmes la tâche de s'occuper des combustibles. Ils étaient rangés dans un hangar à quelques centaines de mètres du lycée.
Nous fîmes alors divers allers-retours afin de disposer le bois pour l'événement.
~Mes muscles vont me lâcher, c'est certain.~
— Darling, tu m'accompagnes pour aller chercher le dernier tronc, s'il te plaît ?
~Le dernier tronc, soupirai-je.~
Nous entrâmes dans le bâtiment et remarquâmes des tatamis.
~Je n'ai qu'une seule envie, faire une pause.~
— On s'arrête un peu, darling ? me proposa Masuko.
~Haruka Kotoura.~
— Oui !
Nous nous assîmes quelques instants pour souffler, mais nous fîmes rapidement couper lorsque nous discernâmes des bruits de pas, dehors.
Masuko attrapa mon bras et me traîna derrière le dernier tronc d'arbre.
— Qu'est-ce que tu fais ? lui chuchotai-je.
— Chut, on va nous entendre, darling.
~Cette habitude qu'elle a de m'appeler darling… elle a une audace incroyable.~
~En réfléchissant, ce n'était peut-être pas bête de se cacher. Si quelqu'un me voyait seul avec elle, à cet endroit-là, ils y auraient encore eu des accusations, et ça aurait créé un effet boule de neige dans lequel je n'aurais pu sortir. ~
~Dans ce monde en 3D, une rumeur se propagea aussi vite que la peste, c'est rapide et difficilement guérissable.~
Masuko se rapprocha petit à petit de moi, jusqu'à me coller.
~Elle a toujours eu les épaules si fragiles ? ~
J'inspirai puis…
~Oh, cette odeur de pamplemousse, d'orange et d'ananas, c'est son parfum ? J'adore.~
Expirai.
Ses mèches de cheveux glissèrent dans mon cou.
~Quelle douceur, c'est ça le charme de la 3D ?~
Les bruits de pas changèrent de direction.
— On sort ?
— Oui, darling.
Elle tenta d'ouvrir la porte du hangar.
— Da… darling ?
— Oui ?
— Je crois qu'on nous a enfermés !
~Elle plaisante, là ?~
— Attends je vais essayer.
J'attrapai la poignée.
~Je ne resterai pas bloqué ici.~
Je tirai de toute mes forces.
~Échec.~
— On a plus qu'à patienter, soupira-t-elle en s'asseyant contre un mur.
Je la rejoignis, puis lui demandai.
— T'as ton téléphone, Masuko ?
— Je l'ai laissé à Anzu, désolée, darling.
~Ce serait bien trop évident qu'elle l'ait.~
— J'aime bien notre duo, darling, s'exclama-t-elle le sourire aux lèvres.
— Notre ?
— Duo, idiot, marmonna-t-elle en me tirant les joues.
~Je devrais demander la définition d'un duo à Chizu, me dis-je.~
L'intensité du froid commença à geler nos muscles. Masuko frissonnait de toute part.
~Quelle idée de venir si tard en jupe, pensai-je.~
— Tu crois qu'on va attraper un rhume, darling ?
— J'espère pas.
— Je…
Sa voix tremblait autant que son corps, je ne pouvais pas la laisser comme ça.
~Que ferait Chizu ?~
J'enlevai ma veste, et la déposa sur les épaules de Masuko.
— Garde-la.
— Merci, darling.
Les minutes furent longues, très longues. Chaque trentaine de secondes qui s'écoulaient Masuko progressait de moi.
Subitement, elle attrapa mon bras, et le serra contre sa poitrine.
~Ses joues rougeâtres et ses mains si douces, c'était peut-être les bons côtés des relations en 3D, soupirai-je. ~
Son visage s'approcha de mon oreille, puis elle me chuchota tendrement.
— Aneko n'est pas la seule à être amoureuse de toi, darling.
Je gardai le silence et restai immobile.
~Que voulait-elle dire ? Et surtout pourquoi était-elle près de moi ? Que dois-je dire ? Je me sens si nul, me répétai-je.~
~Génial, soupira Kinari blasé.~
Nous remarquâmes une voix familière.
— Kinari, Masuko, vous êtes où ?
~Anzu ?~
Je me levai et tapai sur notre issue à la force de mes poings.
~Tu as intérêt à nous entendre, idiote.~
— On est là, Anzu !
Masuko restait assise, immobile, muette.
La porte s'ouvrit lentement, j'attrapai la main de Masuko et la traînai dehors.
Anzu dressa un visage qui démontrait l'angoisse qu'elle avait accumulée ces dernières heures. Elle sauta dans nos bras et cria tout son désarroi.
— Vous êtes vraiment bête ! Vous m'avez tellement fait peur tous les deux !
— Désolé, Anzu, on nous a enfermés ici quand on…
Anzu stoppa mes explications.
— Le feu de camp ! On doit partir ça va bientôt commencer, s'écria-t-elle en attrapant nos mains.
J'admirai cette nuit nocturne, ces étoiles scintillantes. Je contemplai ce feu intense qui réchauffa mon corps.
— Chéri, t'es là ! Tu m'as tellement inquiétée !
— Moi aussi, tu m'as inquiétée, sensei.
~Pourquoi souriez-vous ?~
~C'est ça, ce que tu appelles des moments précieux, Chizu ?~
Mes camarades du lycée dansèrent tous main dans la main.
~Un cerisier ? ~
Je m'assis à côté de l'arbre à fleurs roses, et réfléchis.
~Finalement, j'avais peut-être tort. ~
~Personne ne porte de masque. Personne ne cache sa véritable identité. Ils tentent simplement de se la forger eux-mêmes. Ils souhaitent tous partager leurs émotions, pour que ce feu de camp soit l'un de leurs plus beaux souvenirs. Mon moi d'avant aurait sans doute trouvé ça détestable de voir autant de personnes dressées de fausse expression ou d'essayer de faire semblant de s'amuser. Cependant, ce n'était pas eux les imbéciles, mais moi.~
Anzu se glissa derrière-moi et me chuchota.
— Tu veux venir danser avec moi, Kinari ?
~Tentons de suivre l'exemple et de vivre cette vie de normie, soupirai-je.~
— Oui, lui dis-je en essayant de sourire.
Sous la nuit embrasée, nos écharpes scintillèrent et s'entremêlèrent.
~Son visage et sa joie n'ont guère changé depuis tout ce temps. ~
~Je suis le seul qui doit faire des efforts pour m'adapter à ce nouvel univers en 3D.~
— T'as entendu parler de la légende du feu d'artifice, Kinari ?
— Yamaguchi-kun, m'a mis au courant, oui.
— Alors… tu la connais ?
~Vingt-trois heures cinquante-neuf, soupirai-je.~
Une minute avant minuit, Aneko, Masuko et Yoshida accoururent vers moi puis m'attrapèrent la main.
~Le passé me manque déjà, rêvassa Kinari blasé.~
~Était-ce une bonne décision de vivre une vie similaire à ces personnes en 3D, me questionnai-je.~
— Lâche pas mes doigts, Kinari !
— N'abandonne pas les miens, non plus, darling.
— M'oublie pô, chéri !
— Garde que ma main, sensei !
Minuit.
Nous contemplâmes une fumée montante dans le ciel qui explosa. Mes camarades, que dis-je, mes amis, crièrent.
— C'est magnifique !
~Ils sont peut-être comme cette explosion.~
~Si je suis la nuit, cette ombre noirâtre, eux sont ce feu d'artifice, progressant vers moi, m'illuminant de toute part, comme s'ils me montraient le chemin à prendre.~