C'était un jour de début d'automne, les feuilles dansaient au son du vent encore estival. Le vert des feuillages se fondait lentement en ocre et en écarlate sous le soleil doré de la saison. Un tapis de verdures s'ouvrait en deux, tel une falaise qui se fend pour laisser un fleuve couler, dégageant ainsi un chemin de pavés où s'avançaient deux silhouettes gracieuses et sveltes. On aurait dit deux fées qui voltigeaient dans un parc de rêves.
— Marquise, je parie que vous n'êtes jamais venue par ici! s'écria Carole en avançant à pas de danse, entraînant avec elle la cousine de sa cousine.
Ses pieds se devançaient agilement, s'entrecroisant dans une chorégraphie que ses talons peinaient à suivre. Les pans de sa robe tournoyaient gracieusement et flottaient dans l'air comme un souffle de vent.
— Vous êtes excitée et en bonne forme, duchesse! Mais je ne crois pas pouvoir suivre votre rythme avec mes jambes, rétorqua Claire avec un ton respectueux qui cachait une pointe d'agacement.
Elles avaient bien grandi ensemble, mais la duchesse pouvait toujours être beaucoup trop exubérante par moment.
Contrairement à Carole, Claire ne se sentait point à l'aise dans sa tenue de visite extravagante et encombrante. Il n'y avait vraiment pas moyen de courir sur les routes de cette façon sans blesser ses chevilles et son égo.
— Calmez-vous donc! Je sais que vous êtes seulement venue pour la princesse Thara, mais les nouvelles bâtisses sont absolument à couper le souffle! Vous n'y croyez pas, n'est-ce pas? Que les princesses Helen et Eya ont déjà leur propre pavillon!
La marquise Claire fut incapable de cacher son regard blasé pendant un court instant. Cela ne faisait qu'à peine deux ans qu'elle n'avait pas vécu dans la Cité Royale, ce n'était certainement pas si dramatique! La seule raison pour laquelle elle avait décidé de revenir au centre de la capitale était de supporter sa cousine, la princesse Thara, dans sa montée au trône. Et cela ne concernait en rien la visite complète de l'endroit! Avec la Duchesse comme guide, il fallait avoir peur pour sa tête!
De plus, c'était une tradition bien connue que chaque enfant du roi recevait toujours un pavillon ou une résidence en dehors de la cité royale ou même de la capitale à leur dix-huit ans. Avant cela, ils étaient traditionnellement confinés au Pavillon Royal, le bâtiment principal de la Cité et la résidence du roi. De cette façon, la Cité Royale, l'ensemble de tous les bâtiments royaux, prenait de l'expansion de génération en génération. Il était donc prévisible que les princesses Helen et Eya possédaient déjà leur propre pavillon puisqu'elles avaient respectivement vingt et dix-huit ans.
— Regardez! Voici le Pavillon des Sérendipités, la résidence de la princesse Helen. Légendes disent qu'elle ne sort de chez elle que si le ciel s'effondre!
— Ne devrait-elle pas justement rester chez elle si le ciel advenait vraiment à s'effondrer? remarqua Claire en portant air interrogateur.
Un large sourire s'étira alors sur le visage de la duchesse avant de répliquer d'un ton léger:
— Justement! Elle est d'une paresse que vous ne la verrez pas ailleurs que dans sa demeure! D'ailleurs, la reine lui a donné un poste dans la police royale dans l'espoir que cela la fera sortir, mais en vain!
La duchesse avait beau crier dans ses oreilles, Claire n'y prêtait pas grande attention. Elle n'attendait qu'elle finisse enfin son monologue pour prendre des nouvelles plus importantes de la cité royale. Si seulement son rang pouvait être plus haut que le sien!
Le regard de la marquise resta alors fixé sur les buisson qui décoraient les rebords du chemin, un sujet qui lui paraissait plus intéressant que les commentaires futiles de Carole. Elle ne s'était donc pas rendue compte, lorsqu'elle fut devant une intersection, qu'une autre personne passait d'un pas pressé et qu'une collision risquait de se produire.
Heureusement, l'autre personne fut preuve d'excellents réflexes et se poussa sur le côté quand elle aperçut les deux jeunes filles. Claire n'eut alors plus le choix d'ignorer son entourage et porta son attention à l'inconnu devant elle. C'était seulement un jeune homme en uniforme, mais devant sa carrure souple et élancée et son sourire ensoleillé, il était impossible pour la marquise de ne pas sentir son coeur battre la chamade.
Ce fut le coup de foudre.
Dans les yeux de Claire, il n'y avait plus que ces soyeux cheveux bruns et ces magnifiques prunelles ambrées. À ce moment précis, elle n'avait plus qu'une envie: connaître le nom de ce jeune homme et le glorifier dans son coeur de fille célibataire en amour.
— Pardonnez-moi, mes demoiselles!
Ah! Même sa voix était si angélique! Et que dire de son attitude? Noble et chevaleresque! Sa posture à elle seule lui donnait un air de gentleman. Il avait même une paire de ces longues jambes qui lui avait permis de s'éclipser aussi vite qu'il était venu.
Quel dommage qu'il soit parti aussi vite, peut-être qu'il avait des affaires pressantes...
— Est-ce qu'il vous plaît, marquise? demanda Carole en voyant le regard encore vague de Claire. Bien, bonne nouvelle alors! Il est encore célibataire de ce que je sache, vous pouvez tenter votre chance!
— Et qui est-il?
— C'est le lieutenant Laurent, le bras droit de la princesse Helen. Il travaille aux Sérenpidités puisqu'elle Son Altesse ne sort jamais, vous n'aurez qu'à aller faire un tour au pavillon pour courir la chance de le croiser.
Laurent... voilà un nom que Claire ne risquerait pas d'oublier de sitôt. La marquise continua pensivement son chemin vers le Pavillon des Renaissances, la résidence de sa cousine Thara.
Cela ne prit qu'une dizaine de minutes pour que les deux nobles arrivent devant une bâtisse imposante avec une toiture rougeâtre, une porte en bois de qualité et des bordures de fenêtres en or. L'histoire de ce pavillon était à elle-même la meilleure représentation de la métaphore du phœnix qui renaît de ses cendres.
La première reine que le roi Georgeton avait épousée était de l'influente famille Bastien. Bien qu'elle était compétente, juste et bien-aimée du peuple, cela n'a pas pu l'empêcher de perdre la vie très jeune. Ce fut alors le déclin des Bastien jusqu'à ce que la fille unique de la reine eut ses dix-huit temps et reprit les droits au Pavillon des Renaissances qui avait été offert à la reine en cadeau de mariage. Cette fille, la princesse Thara refit l'image de la famille avec ses talents innés.
Cependant, elle perdit beaucoup de faveur quand au titre d'héritière quand son père se remaria avec la reine actuelle qui donna naissance à deux filles. Par contre, elle profitait tout de même du soutien de sa famille et des supporters de sa défunte mère.
Le Pavillon des Renaissances prenait donc bien de son nom et les efforts de deux générations mettait bien en ampleur l'apparence grandiose de l'endroit. Claire se retrouva donc à penser que l'entrée de cette résidence devenait de plus en plus magnifique à chaque fois qu'elle venait visiter.
— Et comment va la princesse Thara ces derniers temps?
— Très bien, j'ai même entendu dire qu'elle a réussi à apaiser certaines tensions politiques avec un nouveau traité grâce à son éloquence. Personne au pays a d'aussi beaux mots qu'elle!
Claire laissa un sourire fier flotter sur son visage et salua les gardes qui surveillaient l'entrée. Ces derniers allaient s'occuper d'ouvrir la porte quand elle s'ouvrit de l'intérieur, laissant une jeune fille vêtue d'une élégante robe turquoise en émerger. La Duchesse et la Marquise firent une légère révérence face à cette rencontrer inattendue.
— Bon matin votre Altesse, Princesse Émilie, firent-elles en choeur.
— Bon matin, cousine.
Émilie se tourna ensuite vers Claire avec une expression polie et légèrement indifférente.
— Ravie de vous revoir dans la cité, marquise.
Claire répondit d'un discret hochement de la tête et regarda la princesse quitter gracieusement sans même se retourner. Elle était sûrement venue visiter sa demi-soeur, Thara. Quant au sujet de la visite, cela paraissait nébuleux pour Claire et Carole. Peut-être était-elle simplement venue pour prendre le thé.
Sur cette note, Carole salua la marquise avant de partir en courant, laissant Claire seule devant le pavillon.
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Les nouveaux personnages introduits...
- Émilie, la princesse aînée (23 ans): fille de la première maîtresse, virtuose de la vie!
- Carole, duchesse, nièce du roi (19 ans): supporte Eya dans sa quête vers le trône, chérie son frère!
- Claire, marquise, nièce de la première reine (21 ans): supporte Thara dans la course au trône, elle a maintenant un petit béguin...
- Laurent, lieutenant de la police royale (24 ans): à venir...
Qu'est-ce que la police royale?
Contrairement à la police publique, la police royale se charge en particulier et en priorité des enquêtes reliées à la royauté, à la noblesse ou bien aux relations politiques. De plus, elle est également responsable de la garde, de l'escorte et de la sécurité des personnages royaux.
Extrait du prochain chapitre...
« S'il ne fallait pas craindre la mort, il fallait craindre la chute de sa réputation! »