Chereads / J'ai prétendu être la Mort, mais elle m'a tenu tête. / Chapter 68 - Je vais changer mon point de vue.

Chapter 68 - Je vais changer mon point de vue.

Shinsuke arriva vers 9h00 à Marline, et la première chose qu'il vit sur son bureau fut, encore une fois, un thé avec quelque chose gribouillé au feutre noir sur le carton blanc du gobelet.

Perplexe, il s'assit sur son siège et prit en main la boisson pour déchiffrer ce qui y était écrit.

'Courage, le week-end n'est plus très loin !' Lit-il dans sa tête.

Il ne comprenait vraiment pas pourquoi cette fille s'imposait presque de lui amener un thé bien chaud tous les matins, même après lui avoir dit qu'il la détestait et ne voulait rien avoir à faire avec elle. Cherchait-elle à paraître sous un meilleur jour à ses yeux ?

C'était plus que probable, mais Shinsuke ne voulait pas non plus trop s'avancer concernant cette hypothèse. Pour l'instant, il allait se contenter de l'observer avec plus d'attention que la semaine dernière ; et espérait qu'il comprendrait enfin pourquoi la jeune femme agissait ainsi. Peut-être qu'alors, elle l'écouterait, quand il lui dirait d'arrêter de l'importuner.

Levant les yeux, il scruta l'étage tout entier, et vit que la jeune femme était encore à son bureau en train de discuter avec Hasami Mari en même temps qu'elle regardait quelque chose sur son écran. Est-ce qu'elle travaillait encore sur le document tableur qu'il lui avait demandé de créer ? Devait-il lui dire que ce n'était plus la peine de le constituer, ou devait-il la laisser terminer ce qu'elle avait commencé ?

Ce qu'il lui avait confié comme travail n'était que des doublons de tâches déjà réalisées par ses soins, alors devait-il abandonner visant à la faire travailler inutilement, au profit de quelque chose de plus productif ?

Il vit qu'elle souriait aimablement à Mari, et se demanda si elle avait ce comportement avec tout le monde.

Quelques minutes plus tard, il eut la réponse à sa question : la jeune femme souriait en permanence à tout le monde, et il se rendit compte que ce n'était pas qu'envers lui qu'elle avait parfois un sourire étrangement guindé.

Hosoda Chiho s'était approchée de la jeune interne et lui avait dit quelque chose, ce à quoi Hana avait répondu avec un sourire aux lèvres pincées ; ce qui indiquait très certainement qu'elle était mal à l'aise en parlant à sa collègue.

Peut-être avait-il pensé être la seule cible de ses sourires désagréables parce qu'il lui avait accordé plus d'importance à cause de son comportement en soirée. À cause de cela, il avait sûrement fait erreur en qualifiant ces sourires de mesquins ou d'agressifs, alors qu'en réalité, ce n'était pas du tout l'expression que la jeune femme voulait communiquer.

Ne se focalisant que sur elle, il n'avait pas pu remarquer qu'en réalité, il était traité exactement comme les autres – ou du moins, les personnes avec lesquelles la jeune femme n'était pas à l'aise - et que c'était lui qui l'avait traitée différemment.

Ce n'était donc pas un sourire cachant les véritables intentions de la jeune femme, ou dissimulant une certaine hostilité, mais sa façon à elle de sourire quand elle était un peu gênée par la personne qu'elle avait en face d'elle.

Ce qui amenait une autre question dans l'esprit de Shinsuke : pourquoi était-elle aussi gênée avec lui ? Devait-il y voir une chose en particulier ? Avait-il fait quelque chose de mal, ou était-ce la culpabilité de la jeune femme qui parlait ?

Peut-être était-elle tout simplement effrayée ou repoussée par son comportement colérique. C'était tout à fait normal comme réaction, et c'était toujours le cas avec les internes. C'était même devenu une sorte de critère d'évaluation à l'embauche définitive, comme un test que les internes devaient passer d'ici la fin de leur contrat.

'Vous avez encore peur du Chef Kobayashi ? Vous le supportez bien ? Est-ce qu'il vous crie encore beaucoup dessus ?'

C'était sûrement ce genre de questions, posées indirectement, qui décidaient aussi de l'avenir des internes du Département Catastrophes Naturelles. S'ils faisaient du bon travail, mais qu'il ne pouvaient pas se faire au comportement colérique du Chef de section, c'était inutile de les envoyer dans les autres départements, et leur contrat était terminé. Tout simplement parce que Shinsuke donnait aussi son évaluation, et que les gens ne le respectant pas n'obtenaient jamais d'évaluation positive de sa part. En revanche, s'il voyait que la personne avait toujours peur de lui, mais faisait bien son travail, il recommandait l'embauche, mais pas dans son propre Département ; ce qui ne résolvait en rien le manque d'effectifs de son équipe. Le huitième étage était donc condamné à ne jamais avoir assez d'employés pour suivre la courbe de ventes.

Cependant, les internes avaient peur de lui et n'osaient même pas lui sourire, tandis que Shinohara Hana lui souriait toujours, même si elle était mal à l'aise. C'était probablement à cause de cela qu'il avait cru avoir affaire à un comportement insolent ou provocateur ; mais maintenant qu'il s'efforçait de voir les choses dans leur ensemble, il avait enfin compris qu'elle ne lui était en aucun cas hostile.

Sa première impression d'une interne travailleuse et assidue lui était revenue en tête, et il se demanda ce qui se serait passé s'il n'avait pas eu le souvenir de son visage lui revenant en mémoire. Peut-être n'aurait-il pas été aussi mesquin et agressif avec elle qu'il l'avait été. Peut-être n'aurait-il pas eu ces paroles un peu dures quand ils se trouvait au Service Juridique.

Shinsuke fronça les sourcils.

Maintenant qu'il y pensait, la jeune femme ne lui avait pas souri, à ce moment-là. Elle s'était contentée de le regarder avec une expression neutre, et c'était probablement ce qui avait déstabilisé Shinsuke. Elle faisait bien l'effort de lui sourire même quand il lui criait dessus, alors pourquoi elle n'avait pas encaissé et souri comme elle avait si bien l'habitude de le faire ?

Se penchant au-dessus de son bureau, il s'accouda et laissa sa tête reposer dans l'une de ses mains.

Était-il possible que la jeune femme se soit sentie encore plus mal à l'aise ? Juste parce qu'il avait dit ne rien en avoir à faire d'elle ?

'Ne me dites pas… Qu'elle s'est sentie blessée par ça ?' Pensa-t-il avec morosité.

Même si c'était le cas, pourquoi continuait-elle d'agir comme si rien ne s'était passé ? Est-ce que cela lui était indifférent, ou tentait-elle de le faire culpabiliser ? Si c'était la seconde option, elle n'avait pas réussi. Ou du moins, pas entièrement ; sans quoi Shinsuke n'aurait jamais pris le temps de l'observer avec attention.

Il vit que la jeune femme se levait de son siège pour mettre sa veste, et il se rappela alors qu'elle devait encore sortir sur le terrain avec Chiho pour récolter les informations sur la clientèle et les concurrents présents dans la zone. Il ne pourrait donc probablement pas l'observer plus, jusqu'à ce qu'elle revienne en fin d'après midi.

Il décida donc de s'étirer en levant ses bras en l'air, avant de se connecter sur son profil utilisateur. Puis, alors qu'il lisait ses emails de la journée, Saizo arriva enfin pour s'asseoir au bureau d'à côté.

« Tu arrives que maintenant ? » Dit Shinsuke, tout en restant concentré sur la lecture d'un email provenant des Ressources Humaines.

« Ma fille est malade, donc j'ai dû attendre l'arrivée de la nounou, » répondit Saizo.

« C'est pas trop grave au moins ? »

« Bah, un petit rhume je pense, mais mieux vaut la soigner au plus vite pour éviter des complications. Y'a beaucoup d'angines qui commencent à se répandre dans les classes. » Soupira son ami.

Puis, voyant que Shinsuke vérifiait encore ses emails, Saizo prit un air indiqué.

« Mais dis-moi, tu ne regardes tes emails que maintenant ? Ou tu es arrivé plus tard ce matin ? » Demanda-t-il avec curiosité.

« Un peu des deux... » Répondit Shinsuke sans vraiment élaborer.

« Hum, je vois… Ah, et j'ai croisé Hosoda-san et Shinohara-san dans le hall, » ajouta Saizo.

Shinsuke se tourna vers lui avec un sourcil relevé et un air qui voulait dire 'Vraiment ? Tu dois absolument tout me rapporter ? Tu le fais exprès de la mentionner ou quoi ?'.

Saizo se contenta de sourire avec malice, puis commença à sortir les documents qu'il avait rangé pour la nuit dans les tiroirs de son bureau.

« Je me doutes que tu n'aies pas envie d'en savoir plus sur Shinohara-san... » Commença Saizo.

'Non, t'es plutôt à côté de la plaque. Je veux en savoir plus, mais j'ai pas besoin de ton aide pour y parvenir,' pensa Shinsuke.

« … Mais je trouve ça bizarre... » Continua Saizo.

« Tu trouves quoi de bizarre ? » Demanda Shinsuke.

Saizo prit le temps de déplier une liasse de documents froissée, et tout en consultant le document, il parla à nouveau.

« Hum… Je sais pas, mais à en voir le comportement de ces deux-là, on aurait dit qu'elles se connaissaient mais faisaient semblant que non... »

Shinsuke fut plutôt surprise par cette révélation. Il avait bien remarqué qu'il semblait y avoir quelque chose entre Chiho et Hana, mais n'était pas allé jusqu'à clairement l'affirmer.

Cependant, quand Saizo disait quelque chose à propos de quelqu'un, c'est qu'il avait forcément une conviction avec des preuves pour l'étayer.

« Qu'est-ce qui te fais dire ça ? » Demanda Shinsuke, impatient.

« Hum, Shinohara-san semble éviter les regards d'Hosoda-san, et Hosoda-san semblait l'observer sous toutes les coutures, comme si elle cherchait à trouver quelque chose. » Expliqua Saizo. « Il y a aussi le fait que Shinohara-san semble vouloir l'éviter… Ce qui me rends perplexe, au vu de son attitude jusqu'à présent très sociable. »

Il était vrai que la jeune femme avait tendance à dire 'bonjour' à tout le monde le matin, et même 'au revoir' et 'bonne soirée' en partant le soir ; ce qui avait tendance à la faire passer pour une personne très polie. Elle s'entendait aussi bien avec tout ses collègues dans le Département ; donc éviter quelqu'un ou être craintif à son sujet était plutôt suspect.

Shinsuke comme Saizo en étaient d'autant plus dubitatifs que Hosoda Chiho s'était montré être une bonne employée durant l'année précédente – bien que ses performances ne soient pas non plus extraordinaires. Pourquoi Hana voulait-elle l'ignorer et en avait aussi peur, alors que le profil de sa collègue ne s'y prêtait pas ?