Une odeur de brûlé, de soufre, de plâtre. On distinguait un crépitement lointain. Sûrement un feu, comme il y en avait un peu partout, posés ci et là à travers le paysage. Les maisons étaient détruites, la route parsemée de failles, les voitures calcinées, plus aucun être vivant ne semblait vivre dans les parages. Pourtant, à l'intérieur de la maison la moins ravagée, on percevait du mouvement.
Une capsule cylindrique se trouvait au centre de ce qui avait dû être un salon. Quelqu'un se trouvait à l'intérieur, une jeune fille. Cette dernière se réveilla doucement. Ses yeux ébènes se promenèrent sur le plafond, intégralement recouvert de fissures. Puis ils se dirigèrent petit à petit sur son bras droit, dans lequel était plantée une aiguille verte. Le liquide orange présent à l 'intérieur de celle-ci se mit à couler goutte-à-goutte dès que l'adolescente se réveilla. Elle tenta un mouvement mais ses membres étaient totalement engourdis. Au bout de cinq minutes, elle sentit son sang se remettre à circuler dans chacun de ses vaisseaux sanguins.
La jeune fille remarqua alors un petit bouton rouge près de sa main droite. Elle appuya avec hésitation dessus, non sans peine, et la capsule s'ouvrit en grinçant. Elle se tint aux rebords du cylindre pour reprendre ses esprits et se mit à déambuler au milieu de la pièce. Autour d'elle, tout n'était que ruine. Le plafond à moitié effondré, les meubles en lambeaux, tout était sens dessus-dessous. En passant devant une commode miraculeusement toujours sur pied, elle vit de nombreuses photos sur lesquelles se trouvaient un couple accompagné d'une jeune fille. En regardant de plus près un des clichés, les visages lui parurent familiers et pourtant, elle eut beau fouiller au plus profond de sa mémoire, elle ne se rappela de rien. Elle s'arrêta brusquement et s'aperçut qu'elle ne se souvenait même pas de son nom, de son âge, ni même de l'année dans laquelle elle se situait. Elle commença à paniquer et à tourner en rond dans la pièce avant de s'apercevoir qu'elle portait un bracelet blanc sur lequel se trouvaient des inscriptions. Chance pour elle, elle savait encore lire et parler.
BLAIR O'CONNOR
NEE LE 02.04.2071
P.E.P.*LE 18.06.2088
- P.E.P.? se demanda-t-elle
En retournant le bracelet, elle y trouva une étoile similaire à celle qui figurait à côté du sigle.
*P.E.P. :Piqûre d'Endormissement Profond
Elle avait donc été endormie... Mais pourquoi et surtout, pendant combien de temps ? A la recherche d'indices qui pourraient répondre à ses questions, elle se mit à faire le tour de la maison. Elle ne trouvait rien dans la cuisine, la salle d'eau, le salon, le garage, toutes ces pièces étant presque intégralement détruites et méconnaissables. Cependant, quand elle arriva devant la porte de la dernière pièce de ce qui avait dû être le rez-de-chaussée, elle se rendit compte que cette pièce était presque intacte, hormis quelques failles sillonnant le mur et la porte. Redoutant ce qu'elle allait découvrir, elle poussa doucement la porte et s'arrêta net.
Devant elle se trouvait bien une chambre d'adolescente. SA chambre. A l'instant même où elle ouvrit la porte, une connexion particulière avec la pièce se créa. Sur le mur se trouvaient d'innombrables photos et de magnifiques dessins et peintures. On pouvait la voir avec d'autres personnes de son âge, ou encore jouant du piano ou de la guitare. Sur son bureau, des piles de livres, de cahiers, tous tombants en poussière, des pots remplis de stylos de toutes sortes et de toutes les couleurs et de pinceaux de peinture. Sur son lit, fait au carré et à peine dérangé, des peluches qui semblaient la fixer. Une avalanche de souvenirs refirent surface dans le cerveau de Blair, comme si quelqu'un avait appuyé sur le bouton ON/OFF. Elle avait donc une vie. Qu'est-ce qui avait bien pu se passer alors ?
Après ce moment d'égarement et de mélancolie, elle se redirigea vers le salon, dans l'attente d'avoir des réponses à ses questions. Alors qu'elle déambulait dans le long couloir, son regard accrocha un miroir miraculeusement toujours intact. Elle y vit une jeune fille à la peau légèrement bronzée, de longs cheveux noirs lui tombant sur les épaules, de discrètes taches de rousseur agrémentant ce visage harmonieux aux yeux perçants. Blair détacha son regard de l'objet et poursuivit sa marche.
Arrivée au pied de la capsule, elle fût frappée d'effroi. Devant elle, un petit écran affichait une date et un horaire qui la laissèrent perplexe. Elle se demanda si c'était la réalité ou si c'était juste une défaillance de la machine. Elle tapa dessus, mais rien ne changea, les secondes continuèrent de défiler régulièrement.