Nous arrivons alors à une colline au-dessus de la ville. Elle donne sur un grand arbre que nous reconnaissons tout de suite. Et pour cause, il est le foyer de tous nos jeux depuis tout petit et il est là aussi, où nous sommes tombés sous la pluie du Nuage de Rey. Cette vision soulève en nous de nombreux souvenirs, bon comme mauvais. Il nous fait un peu de temps avant de pouvoir reprendre notre route.
Sur le chemin, Hirion gambade et sifflote alors que Lyra en profite pour se glisser auprès de moi. Nous marchons ainsi main dans la main, tandis que Wistom s'amuse à charrier Hirion. La balade nous paraît champêtre et elle nous fait rapidement oublier tout ce que nous avons vécu. Il n'y a plus qu'une seule chose qui compte désormais, c'est rentrer à la maison. Revoir nos parents, nos proches qui doivent s'être fait un sang d'encre pour nous et à juste raison.
Après quelques dizaines de minutes de marche, nous atteignons la route qui mène à G-Shokunin. Elle est faite de terre et quelques paysans et marchands l'empruntent tout en nous saluant. Cela nous fait une sensation étrange de revoir des gens normaux. Cela a été comme une vie en incubation, loin du monde, loin de notre monde.
Finalement, nous arrivons devant par l'une des portes de la ville où s'attroupe tout un troupeau de charrettes qui amènent toute sortes de marchandises en ville, des épices, des minerais et même des animaux rares qui seront vendus sur les places à prix d'or. De notre côté, nous ne nous attardons pas trop à observer toutes ces richesses, nous préférons nous dépêcher pour rentrer. Hirion est le premier à atteindre son foyer. Il habite au dernier étage d'une ancienne tour de garde. Celle-ci fut totalement réagencée pour permettre à des familles d'y habiter. De l'extérieur, l'habitation fait très moyenâgeuse, mais il faut y entrer pour se faire un vrai avis car elle a l'une des plus belles vues de la ville grâce à ses trente mètres de hauteur qui surplombe G-Shokunin en son sein.
Par la suite, c'est Lyra que nous déposons devant sa petite maison avec un léger jardin où un pommier a décidé de pousser l'année dernière. Nous préférons la laisser seule pour rencontrer ses parents. Ils ont des tas de choses à se dire sans que nous n'ayons besoin d'être là. Nous poursuivons alors notre route jusqu'à notre maison où nous voyons le père de Wistom lire et fumer le cigare sur sa chaise à bascule.
Mon frère comme à son habitude décide de lui faire une surprise et nous marchons donc jusqu'à la barrière blanche sans dire un mot. Nous poussons le portillon en prenant le soin de ne pas faire sonner la petite clochette qui y est attachée. Je la referme derrière moi alors qu'il est véritablement absorbé par sa lecture. Surement encore l'un de ses romans à l'eau de rose dont il raffole tant.
Wistom s'accroupit quand il arrive au niveau des marches qui amènent au balcon de devant. Seulement trois marches nous séparent de lui, alors mon frère bondit et crie :
-Surprise !
Son père fait presque un arrêt cardiaque ! Il perd son cigare et son livre qui lui glisse des mains et il nous voit enfin. Ce sont tout d'abord des larmes qu'il verse avant de lui sauter au coup. Il sert terriblement fort Wistom pour être sûr qu'il ne rêve pas.
-Mes fils ! On vient de me rendre mes deux fils chéris !
Wistom n'arrive pas à parler de son côté et il se met lui aussi à pleurer alors que mon beau père me tend un bras pour que je vienne à mon tour l'enlacer. Je lui ouvre alors les bras et nous faisons un câlin à trois. Aucun de nous ne veut lâcher et ce n'est que lorsque la mère de Wistom ouvre la porte pour voir ce qu'il se passe que son père décide de nous relâcher son étreinte pour nous regarder tous les deux dans les yeux.
-Ils sont revenus ! Nos fils sont là ! s'écrie-t-il.
Sa mère n'en revient pas et elle se précipite elle aussi sur nous pour nous embrasser en faisant reculer son père qui observe la scène avec un immense sourire et des larmes prisonnières de ses yeux.
-Mon dieu, mon dieu ! Merci de nous les avoir rendus, lâche sa mère avant de nous laisser respirer.
-Vous devez être affamés. Rentrez plutôt à l'intérieur, maman va vous faire à manger, dit son père.
-C'est vrai qu'un bon plat de lasagne ne serait pas de refus, répond Wistom gaiement.
-Je l'approuve, je leur souligne.
-Bien sûr, les garçons. Mettez-vous dans le salon pendant que je lance le repas.
Nous suivons alors son père dans le salon bien rangé. Je remarque maintenant que mon beau-père a une barbe de trois jours ce qui n'est pas du tout habituel. Il est toujours impeccable d'habitude. J'ose alors lui demander :
-Papa, pourquoi tu t'es laissé pousser la barbe ?
-Ah oui! dit-il en la caressant dans ses doigts. Quand j'ai appris que vous aviez intégré l'armée suite au raide des gobelins qui ont saccagés l'anniversaire d'Hirion... Eh bien j'ai décidé de prendre ma retraite.
-Quoi ?! hurlons-nous avec mon frère.
-Mais c'est impossible ! La police c'est toute ta vie ! lui dis-je.
-C'était. J'ai dédié ma vie à protéger mon pays et tout ce qu'il m'a offert, c'est de me voler mes deux fils. Maintenant, je ne veux plus perdre une seconde loin de votre mère. J'ai commencé à avoir peur de la perdre, comme vous sans pouvoir lui donner plus d'amour.
-Ecoute, on va bien. On est bien traité et on y a même rencontré des gens passionnants, lâche Wistom.
-Ah oui ? Racontez-moi alors, demande son père.
Je donne alors un coup de coude pour essayer de rappeler à Wistom que nous ne sommes pas censés divulguer des informations sur l'Ordre d'Artémis.
-Tu sais, on fait le boulot de nouvelles recrues. C'est-à-dire nettoyer les toilettes, préparer la bouffe.
-Alalala... ça me rappelle mon service militaire.
-A oui ? Raconte-nous, propose Wistom.
Je préfère le laisser. Cela évitera que l'on soit tous les deux obligés de lui mentir car je n'aime pas cela. La simple idée même de ne pas être honnête avec lui m'attriste. Il a été là au moment le plus douloureux de ma vie et il a été vrai avec moi. Chaque minute passée auprès de lui a été une ode à la vérité. Je ne veux donc pas salir ce qu'il m'a offert. Mais aujourd'hui risque d'être spécial. Si nous mentons, ce n'est pas pour nous protéger, mais pour le protéger lui et ma mère adoptive.
Il nous raconte donc comment s'est passé son année dans l'armée comme tous les hommes de son époque, il avait dû donner une année pour son pays. Il avait appris le maniement des armes, comment manier le sabre, soigner des blessures ou survivre en milieu hostile. Ce fut une expérience très riche et ce fut même l'élément déclencheur de sa carrière de policier à G-Shokunin. Tout ce qu'il avait appris là-bas lui ont permis d'être l'homme déterminé et sage qu'il est aujourd'hui.
Après plusieurs minutes d'histoire, ma belle-mère rentre dans le salon pour nous dire d'aller à table. Une fois arrivée dans la salle à manger, nous découvrons et humons un plat de lasagne sensationnel. La crème est la tomate se marie pour créer une saveur qui me donne l'eau à la bouche. Wistom n'arrive pas à se contenir et dès qu'il s'asseoir, il pique un coup de fourchette dans le plat ce qui fait hurler sa mère.
-Ahhahah ! Ne sois pas trop sévère avec eux. Ils viennent à peine d'arriver, ne leur donne pas envie de repartir, s'amuse mon beau-père.
-N'empêche qu'il aurait pu attendre que je le serve, dit ma belle-mère.
Le repas se passe tranquillement alors que mon frère dévore son plat et ne cesse de se resservir. De mon côté, je raconte l'entraînement du capitaine Haka en ne parlant jamais de nos pouvoirs respectifs. Les parents sont impressionnés par ce que je leur raconte et ils boivent mes paroles sans m'interrompre. Ce n'est que lorsque Wistom commence à roupiller sur son assiette que sa mère me propose d'aller moi aussi me coucher. Je lui réponds que je préfère allez marcher seul pour digérer.
Mes beaux-parents me laissent m'en aller tandis que mon beau-père amène mon frère jusqu'à sa chambre. C'est une drôle de faculté qu'a toujours eu Wistom de pouvoir s'endormir dès son repas terminé. C'en est même rageant parfois la nuit lorsque j'essaie de m'endormir pendant des heures, alors que quelques dizaines de secondes lui suffisent pour rejoindre le paradis des rêves.
Après plusieurs minutes de marches, une voix résonne dans ma tête :
-Tu vas où, maintenant ?
-A ton avis ? Jusqu'à ta forêt. Elle se trouve bien plein nord à environ trois heures d'ici ?
-Oui. Je te remercie encore jeune homme de m'accorder ta confiance.
-Il n'y a pas de quoi. C'est le moindre que je puisse faire après ce qu'il est arrivé à toi et à tes amis. Je me demandais, comment le colonel Nieth a-t-il put venir à bout de tes camarades et les contrôler comme il le fait en ce moment ?
-Hum... Je ne saurais pas vraiment t'expliquer. Tout s'est passé si vite que je ne sais pas comment il s'y est pris, dit Pan avec la voix arrachée.
-Ce n'est pas grave, Pan. Cela n'a pas beaucoup d'importance au final. Le plus important est que l'on ait rejoint Mindryel au plus vite.
-Et tu comptes nous y amener à pied ?
-Non, c'est beaucoup trop loin. C'est pourquoi on va faire un petit détour. Je connais un ami qui a des chevaux aux abords de la ville. Il voudra peut-être me prêter l'une de ses bêtes. Il l'a déjà fait par le passé, alors je ne vois pas pourquoi il refuserait aujourd'hui de nous en prêter un.
-Parfait. Il serait bon qu'on arrive avant la tombée de la nuit dans la forêt.
-Pourquoi cela ?
-Parce que la sécurité y est renforcée.
-Mais toi, il te connaisse donc il ne peut pas y avoir de danger. Non ?
-C'est un peu plus compliqué que cela.
-Comment cela ?
-Eh bien... La nuit, ce sont des créatures violentes qui s'occupent de protéger Mindryel. La journée, ils vivent reclus et la nuit, le roi les autorise à sortir et à chasser tous ceux qui ont le malheur d'entrer dans la forêt. Parfois, il arrive qu'ils en profitent pour chasser les hybrides comme moi qui décident de vivre en lisière de la forêt pour rester en toute liberté.
-Très bien... On va se dépêcher alors, lui dis-je en accélérant le pas.
Il n'est que quatorze heures, mais je ne tiens pas à rencontrer ces créatures plus qu'hostiles. D'autant plus que Pan vient de m'annoncer qu'elles pouvaient aussi s'en prendre à lui alors que c'est un habitant de la forêt de Mindryel. Il faut donc que l'on accélère le pas.
La route me semble rapide et après une heure de marche, nous sortons de la ville pour atteindre la maison d'Etiebe. C'est une ferme avec une dizaine d'animaux. Son père est un éleveur de cheval, il les achète quand ce ne sont encore que des poulains, puis il les entraîne pour en faire des chevaux de courses. Lorsque j'arrive, je remarque Etiebe en train de brosser l'une de ses juments. Elle a la peau beige et elle a quelques taches blanches. Je m'approche donc en m'annonçant :
-Oh, eh ! Etiebe comment ��a va ?
Il se retourne alors et il saute de joie sur place. Une fois devant lui il me demande :
-Bon sang ! Mais où êtes-vous allez avec Hirion, Lyra et Wistom ? Il y a eu toute sorte de rumeur dans l'école. Certains ont dit que vous aviez été attaqué par une horde de gobelin, tandis que d'autres ont prétendus que c'était des brigands à la solde de Wuano.
-C'est assez compliqué. Mais maintenant on va bien ne t'inquiète pas.
-Ok. Je comprends que tu ne veuilles pas en parler tout de suite. Sinon, que me vaut cette visite ? Tu veux encore monter à cheval ?
-Je t'avoue que l'idée m'a traversé l'esprit quand je suis revenu à G-Shokunin.
-Tu as de la chance car mon père s'est absenté en ville. Il ne devrait pas revenir avant une ou deux heures.
C'est parfait pour récupérer le cheval mais Etiebe va se faire gronder à coup sûr car je n'aurais jamais le temps de faire l'aller-retour aussi vite. Finalement, je me décide à prendre le risque. De toute manière, ce que je m'apprête est plus important qu'une simple réprimande.
-ça me va.
-Parfait. Je te ramène une selle et tu vas pouvoir le faire galoper dans la prairie en face.
Etiebe part donc vers la grange pour récupérer la selle. C'est alors que la voix de Pan traverse mon corps.
-Lorsque tu galoperas, ne le fait pas dans la direction de Mindryel. Fait le vers l'Est, pour être sûr que personne n'a idée de te chercher là-bas. J'ai bien entendu ce qu'il a dit et tu reviendras forcément dans plus de deux heures.
-Très bien. On fera comme-ci on allait vers le moulin à eau. Je lui réponds à voix basse.
Après une minute ou deux, Etiebe revient avec une splendide selle qu'il attache au dos du cheval.
-Elle s'appelle Marguerite. Je te préviens, elle a un peu mauvais caractère, alors fait attention à toi quand tu lui donnes des ordres.
Il me tend maintenant les éperons, je les prends en main et je regarde la bête. C'est ainsi que je remarque un certain nombre d'entaille au niveau de son abdomen. Ce sont les coups répétés d'éperons qui lui ont infligé cela. Inutile de chercher bien loin, le pauvre animal ne supporte pas cela et il le fait savoir. Ce n'est pas ainsi qu'il faut dresser les chevaux. Ce n'est certes pas mon métier mais mes années auprès d'Etiebe m'ont montré que ces animaux ont besoin qu'on les respecte et qu'on leur fasse confiance pour qu'à leur tour, ils nous suivent.
Je monte alors sur le dos de Marguerite en ne prenant pas les éperons et je la guide au son de ma voix. Nous commençons par de simples pas, puis nous accélérons pour trotter et enfin nous allons au galop. Ainsi, nous faisons plusieurs tours de la propriété avant que je ne demande à Etiebe :
-Tu me laisserai descendre jusqu'au moulin puis revenir au galop ? Je veux voir ce qu'elle a dans le ventre.
-Hum... D'accord, mais ne t'attarde pas là-bas. Dès que tu l'as atteint, tu remontes car je ne veux pas me faire gronder par mon père.
-Ne t'inquiète pas. On revient aussi vite qu'on peut. N'est-ce pas, Marguerite?
Je la fais alors cabrer et nous filons à travers le vent. Nous prenons d'abord la direction du moulin puis plus bas, nous changeons de route, direction la forêt de Mindryel. Sur le chemin, je ralentie l'allure car il est inutile de fatiguer inutilement la jument. Nous trottinons donc pendant deux bonnes heures et nous arrivons enfin face à la forêt.
Je ne l'ai jamais aperçu d'aussi près. Parfois, nous allions dans les montagnes de Fer qui permettent de l'observer en partie mais jamais je n'ai fait ce chemin. J'hésite un moment avant de me lancer dans cet endroit. Il est loin d'être lugubre. Toutes sortes de plantes vivent ici et même certains oiseaux chantent à mon arrivée, mais les légendes qui sont omniprésentes dans la région font que je suis loin d'être serein. D'autant plus que Pan m'a affirmé, il y a plusieurs heures qu'il existe des créatures hostiles même pour les habitants de ce monde reculé.
-Ne t'en fais pas. Tout va bien se passer. Nous sommes en pleine journée. Les êtres qui défendent l'entrée ne nous feront rien. Dis Pan posant le pied à terre. J'ignore depuis combien de temps, il est sorti de ma pupille mais le fait est qu'il a l'air soulagé d'être rentré chez lui.
Je le suis donc à cheval en marchant au pas alors qu'il garde sa main sur la crinière de Marguerite. Des centaines de questions jaillissent en moi et tourbillonnent sans réponses.
-Tu te demandes ce que tu vas trouver ici, n'est-ce pas ? me dit Pan.
-En effet. Je croyais que la forêt serait plus hostile avec une ambiance délétère. Mais elle semble plutôt accueillante.
-Elle accueille ceux qui doivent l'être et barre la route aux autres. Il n'y a pas de colère ou de haine ici. Seulement la volonté de ceux que l'on aime.
-Je me demandais Pan. Cela fait combien de temps que tu vis ici ?
-Hum... Je vais bientôt avoir soixante-treize ans.
-Quoi ? On dirait que tu en as à peine trente.
-Je te remercie du compliment. C'est l'un des avantages des faunes. Nous vieillissons moins vite que vous et plus vite que nos cousins les cyonns.
-Vos cousins ?
-Oui, nous ne sommes pas nés de rien. Nous sommes le fruit de l'union autrefois de deux mondes. C'est en tout cas ce que raconte les légendes. Un cyonn et une humaine qui aurait osé ne pas se conformer aux lois de leurs tribus et qui auraient décidé de s'unir malgré tous les interdits et qui aurait fui dans la forêt de Mindryel où le roi leur aurait offert l'asile. Depuis nous vivons tous ceux de ma race avec l'immense dette de la miséricorde de notre roi.
-Il doit être très vieux, alors. Il n'a pas de descendant?
-Non, il n'en a jamais eu. Le souverain de Mindryel est immortel. Il était là depuis le commencement. Avant même que les continents ne se séparent et dérivent loin des autres.
-Les continents ne dérivent ?
-L'histoire est bien plus vaste que ce que l'on vous raconte dans vos écoles. Vous n'avez pour point de départ que l'homme, mais ce n'est qu'une goutte dans l'oc��an qu'est la vie.
Nous continuons notre discussion jusqu'à arriver dans des ruines recouvertes de mousses, d'herbes et d'arbres. Les pierres beiges semblent très ancienne et je crois y deviner d'anciennes maisons tandis que nous traversons l'allée centrale de ce village, aujourd'hui quasiment disparu. Seul quelques pierres ressortent encore du sol et semblent tenter de résister l'emprise du temps et de la forêt. Puis, quand mon regard se porte plus loin, vers les bois. Je remarque que l'on nous observe et que des ombres rôdent.
-Ne t'inquiète pas. Ils se demandent simplement ce que fait un humain avec un faune. Mais ils ne feront rien tant que notre roi ne leur en donne l'ordre.
Soudain, des bruits de sabots se font entendre devant moi. Un centaure sort de derrière un mur. Il est grand et majestueux. Il monte sur une butée recouverte de plantes et de fleurs bleues. Il a une hache à deux mains attachée à ses cotes de cheval. Il n'est pas mi-homme mi-cheval, mais plutôt mi-arbre mi-cheval. Son visage est semblable à celui des hommes-arbres dont content les légendes. Finalement, le centaure s'exclame :
-Que fais-tu avec un humain en ces lieux, Pan ? Ne sais-tu pas qu'il est formellement interdit de les mener ici, un maudit qui plus est ?!
A ces mots, plusieurs dizaines de centaures descendent le léger dénivelé qui mène aux ruines. Il y a aussi des elfes, des fées, une licorne et même quelques ligus qui poussés par la curiosité ont osé s'approcher. J'observe ce spectacle avec autant de ravissement que d'étonnement. Je ne m'attendais pas trouver autant de monde en ce lieu.
-Je le sais bien, Chiron. Mais j'ai des nouvelles importantes à faire parvenir à notre roi et cet homme m'a permis d'arriver jusqu'à vous. Sans lui, je serai sans aucun doute mort ou même pire...
-Je n'ai que faire de tes excuses. Tu nous fais courir à tous un risque énorme. Je devrais te punir ici et maintenant pour ton ��goïsme.
-Ce sera à moi d'en juger, Chiron fils de Pholos.
Cette voix grave et puissante fait s'incliner toutes les bêtes de la forêt, même ma jument courbe l'échine et plie genou à terre. Je descends donc pour en faire de même alors que l'herbe et les plantes poussent soudainement à mes pieds.
-Tu peux te relever, Myo fils d'Hector et de Yumi.
Quand je lève les yeux, je découvre un être particulièrement calme. C'est un homme-arbre d'environ trois mètres. Il a les yeux noires semblables à des perles, un nez et une bouche fine. Sa peau est comparable à de l'écorce entrelacée à la manière d'un nid d'oiseau. Ses épaules quant à elles sont recouvertes de ficus qui descendent dans son dos. Enfin, ses oreilles sont proches de celles d'un elfe, légèrement rosée à l'intérieur. Cet être imposant respire lentement et lorsqu'il prend son inspiration, c'est comme si toute la forêt respirait avec lui, comme un seul être. Enfin, une lumière jaune est présente dans son corps et vient illuminé par endroits certains interstices de son corps. Sa bouche aussi la contient et dans le creux de ses joues, plusieurs fissures permettent de la distinguer. Son regard puissant pèse sur moi comme si l'histoire même de la forêt venait à ma rencontre. Un passé qui semble regorger de force mais aussi d'une profonde mélancolie.
-Je vous prie de nous pardonner, Seigneur Shajana, dit Pan toujours à genoux.
-Ne t'inquiète pas. Je sais pourquoi vous êtes ici. Tu es là pour me prévenir d'un danger. N'est-ce pas ?
-Oui, mon roi.
-Et ce garçon a risqué sa vie au détriment des ordres qu'il devait suivre pour réussir à te faire fuir ,mais sans tes amis. Je suis navré pour ce qui est arrivé à Ugar, Byzon et Phyn. Cependant, vous connaissiez les règles. Il est formellement interdit à tous de sortir de la forêt, au risque de tomber entre les mains des humains. Vous êtes allez aux abords de la rivière qui se trouve au de-là des frontières de mon royaume, loin de mon pouvoir. Je ne pouvais rien faire pour vous. Je ne fus que le spectateur impuissant d'un crime atroce perpétré par un être abjecte nommé Nieth. Un homme qui se croit au-dessus de tout être, tout simplement parce que la nature l'a posé par mégarde en haut de la chaîne alimentaire.
La fin de son discours a laissé entrevoir de la colère que Shajana a contenu lui en crispant ses muscles et faisant par la même occasion, noirci sa peau. Puis, le souvenir de son ennemi passé, sa peau redevient olive et il poursuit :
-Pour quelle raison as-tu risqué ta vie ici, Myo ?
-Pour sauver des vies. C'est pour cela que je suis né.
-Quelle belle âme. Rare sont ceux qui auraient mis leur vie en danger pour celle d'un autre.
-Seigneur, puis-je vous poser une question ?
-Bien sûr. Tu te demandes comment il se fait que je te connaisse sans que tu n'aies jamais entendu parler de moi que comme une légende.
-En effet.
-Vois-tu. Les oiseaux, les arbres, toutes les espèces vivantes, je les entends et les comprends. Ils viennent parfois me parler pour que je les aide et en échange, ils me tiennent informé de ce qu'ils se passe par de-là la forêt.
-Vous savez donc aussi pour le Nuage de Rey.
-Oui, en effet. Il fut même la raison du pouvoir de Pan. Cette chose n'a pas épargné mon peuple. Elle a marqué par le sceau de la mort certains d'entre nous et il fallu pour nous, faire de nombreux sacrifices.
-Le sceau de la mort ?
-Oui. Le Nuage a tué puis fait ressusciter certains êtres ici et nous avons dû les tuer avant qu'ils ne soient rendu totalement incontrôlable à cause de la malédiction. L'âme n'est nullement faite pour revenir dans le corps. Elle est faite pour l'épouser puis le quitter. Tous ceux qui se sont risqués à ces expériences l'ont payé de leur vie et même plus.
-Et vous ne savez pas comment il est apparu ?
-Malheureusement, non. Cela fait longtemps que je n'ai plus les pouvoirs que l'on me prête. Alors je me contente de soigner et de protéger mon peuple, ainsi que ceux qui veulent trouver refuge ici. Mais après la disparition de Pan et de ses amis, j'ai fait des recherches et j'ai découverts quelque chose qui a bouleversé ma manière de voir le monde.
-Quelle est-elle ?
-Je n'ai pas découvert comment mais je sais qui a créé le Nuage de Rey.
-Créé ?
-Oui, celui-ci n'est pas apparu de rien. Ce sont des hommes qui l'ont créé. Pour quelle raison je l'ignore, mais j'ai ici quelqu'un qui m'a raconté ce qu'il savait. Zefiros, approche. Celui que tu attendais est là.
J'avoue être estomaqué par la révélation de Shajana. Le Nuage de Rey serait le fruit d'expériences humaine. Je n'arrive pas à y croire. Mais cet être légendaire a l'air d'être sincère. J'observe donc l'être qui approche. Il est enveloppé dans un manteau. Son visage est caché par une capuche et il ne fait pas plus d'un mètre de hauteur. Finalement, il le détache et je découvre un gnome à la barbe blanche dans un costume bleu pâle et aux bottes de cuirs. Une ceinture au ventre fait tenir trois perles le long de son ventre, deux vertes et une rouge en son centre. Ses vêtements sont riches et des lunettes posées sur son nez m'empêche de discerner la couleur de ses yeux. Le gnome démarre une longue pipe en bois qu'il hume avant de dire :
-Petit, je sais que tu n'as aucune raison de me faire confiance mais tu sais comme moi que l'Ordre d'Artémis auquel tu appartiens cache des choses.
-Que savez-vous sur l'Ordre ?
-Assez pour te retourner les tripes. Je sais que colonel Nieth et le capitaine Tonka s'amusent à capturer toute sorte de créature rare avant de les lobotomiser. Je sais que l'Ordre mange dans la main de la noblesse et qu'il joue un double jeu. Mais le plus grave, c'est le Nuage de Rey. J'ai besoin de toi pour faire en sorte qu'il disparaisse. Si nous ne trouvons pas un moyen de l'éradiquer, ce sera bientôt la guerre civile dans le pays. Jusqu'ici, l'Ordre a réussi à cacher ses actions, mais cela va bientôt de cesser. De plus, la pègre recrute allègrement toute sorte de monstre qui ont obtenu des capacités que tu ne pourrais même pas imaginent. Ces êtres malfaisant apparaisse à l'heure même où nous parlons. Il va donc falloir que tu fasses un choix. Sois-tu retournes auprès d'eux, soit tu m'aides, mais il n'y a pas de troisième voie.
-Vous me demandez de renoncer à l'Ordre, mais mes amis ?
-Tu devras laisser tes amis en dehors de cela. Pour leur bien.
-Je ne peux pas les abandonner sans rien les prévenir.
-Et c'est pourtant ce que tu dois faire, si tu tiens à eux. Ils seront plus en sécurité dans l'Ordre d'Artémis, qu'avec nous. Et si tu les préviens, tu risques de leur faire courir un risque aussi grand.
Tout se chamboule dans mon esprit. Quel choix suis-je censé faire ? Dois-je abandonner mes amis et mon frère ? Ou dois-je retourner dans cet Ordre comploteur ? C'est vrai que ces derniers temps, j'ai commencé à douter d'eux, mais de-là à imaginer qu'ils soient mauvais...
-Tu ne me fais pas encore confiance. Je le comprends bien, mais regarde plutôt cela, dit-il en sortant de sa poche une pierre de rappel. Elle est en tout point identique à celle que je possède dans mon sac.
-D'où tenez-vous cet objet ?
-Je pense que tu connais déjà la réponse, petit. C'est l'Ordre qui me l'a confié. Eh oui, j'ai fait partie de cette organisation avant de la quitter. Je suis un déserteur, pour d'autre un déviant. Cela fait cinq ans que je parcours ce monde à la recherche de réponse. Mais je ne peux pas le faire seul et d'ailleurs, je ne le fais plus seul. Je recrute du monde pour faire en sorte de stopper ce mécanisme fou qui risque de déboucher sur une guerre mondiale. On ne parle plus seulement de notre empire maintenant, mais de la Terre tout entière qui va bientôt s'embraser si chacune des nations s'arment comme elles le font en ce moment.
-Je suis prêt à vous faire confiance. Mais abandonner mes amis... C'est me demander un sacrifice immense.
-Le plus grand et crois-moi, je sais de quoi je parle. J'ai laissé là-bas mon meilleur ami.
-Comment s'appelle-t-il ?
-Il s'appelle Haka. La dernière fois que nous nous sommes vus, il était devenu capitaine. Je ne sais pas si tu l'as rencontré.
-Oui... Je le connais. Pas très bien certes, mais il nous a entraîné plusieurs fois.
-Tu vois. Tout ce que je t'ai dit est la pure vérité. Maintenant, il ne te reste plus qu'à faire un dernier pas. Le plus dur. Je vais t'apprendre tout ce que je sais et on va t'entraîner avec mes amis et ensuite tu pourras nous aider et aider ce monde.
J'attends un moment avant de répondre. Tout le monde est suspendu à mes lèvres. J'avale difficilement ma salive et tout mon corps tremble. Je veux faire le bon choix, mais je ne sais pas si mes amis comprendront. J'espère un jour qu'ils me le pardonneront.
-C'est d'accord. Je pars avec vous.