Lorsque Sulk sortit de son espace mental, il constata que son énergie interne tournait toujours dans son méridien. Celui-ci était plus solide, et semblait presque tangible.
Sulk sentait son corps bien plus fort qu'auparavant, bien que de peu, et était plein d'énergie.
Il ne s'était jamais aussi bien senti physiquement.
Toute trace de fatigue avait disparue.
Deux jours seulement après être sorti du coma, après avoir eu connaissance de la Foudre, il était déjà bien plus fort qu'il ne l'avait jamais été.
Il sentait également que toute l'énergie accumulée avait le potentiel d'améliorer ses compétences comme sa vue et la projection de son esprit.
Cependant une intuition en lui lui disait que même s'il devenait plus fort à chaque passage de son énergie dans son méridien, les progrès diminuaient aussi chaque fois.
Bientôt cela ne servirait pas à grand chose à part évacuer la fatigue.
Il ne deviendrait pas plus fort indéfiniment.
Les mots de Yahzin résonnaient dans son esprit.
Il pensa au potentiel qu'il avait avec la Foudre, et la puissance qu'il pouvait en tirer si les histoires de Yahzin étaient vraies.
C'était tentant.
Alors qu'il retrouvait ses sens, il sentait presque le regard de Yahzin à l'intérieur de sa conscience, bien que la fumée noire ne se soit tue et soit retournée à un état de brouillard opaque.
Mais la fumée resterait immobile toute la journée, le corps de Sulk était éveillé, et Yahzin de nouveau scellé.
Sulk ouvrit les yeux et se leva.
A ses côtés, Arega dormait encore paisiblement.
Sulk la regarda quelques instants, mais décida finalement de ne pas la réveiller.
Ils auraient le temps de faire ce qu'ils voulaient plus tard, et la priorité était son repos.
Sulk pensa cependant à toute la discussion qu'il avait eu avec Yahzin.
Leur conversation lui tournait dans la tête sans arrêt, revenant encore et toujours.
Il devait en parler à Arega, d'une manière ou d'une autre. C'était sa mère après tout, il pouvait lui faire confiance, Yahzin finirait par comprendre.
Sulk se dirigea en direction de la salle à manger. Il entendait le brouhaha étouffé de la centaine de mineurs en train de converser.
Sulk s'était réveillé à peine quelques minutes après eux et ils étaient encore en train de manger leur premier repas.
Sulk chercha du regard son ami.
Lorsqu'il le vit, Kahn était en train de manger à une table seul. Sulk s'assit à ses côtés et l'observa.
On sentait de l'épuisement dans son regard, dû sans doute à leur veillée.
Une rishya apporta un peu de nourriture à Sulk en lui faisant un sourire entendu.
Sulk se souvint de son visage, elle était présente lorsque Lingi lui avait remis le pendentif de jade la veille.
Il se mit à rougir mais ne dit rien. Ignorant la travailleuse l'ayant servi, il se concentra à nouveau sur Kahn.
Sulk lui demanda si il avait dormi suffisamment et Kahn répondit par l'affirmative.
De ses yeux perçants, Sulk lisait dans le regard de son ami bien plus de choses que quiconque n'aurait pu déceler.
Il voyait la détermination de son ami, et sut que le sommeil de l'empêcherait pas de continuer les leçons.
Kahn avait une force mentale incroyable, se dit Sulk.
Yahzin avait peut-être tort à son sujet.
Les yeux gris de Sulk se baladèrent rapidement sur les parties visibles du corps de Kahn.
Il remarqua les ecchymoses qui tachaient sa peau de différentes teintes de violet et de jaune.
Son corps cependant était relativement faible, comme Yahzin l'avait dit.
Sulk avait déduit depuis longtemps, depuis qu'il avait rencontré Kahn, que ce dernier devait être plutôt intelligent et habile, pour avoir survécu dans la rue comme il avait réussi à le faire.
Puisqu'il n'était pas assez fort pour instaurer le respect malgré son jeune âge, il devait être doué d'une autre manière.
C'est alors que Sulk eut une idée.
Puisque Yahzin ne pouvait pas, ou du moins ne voulait pas l'aider, lui même le ferait. Et la solution la plus évidente s'offrait à présent à lui.
Sulk avait toujours travaillé dans la mine, et n'avait jamais eu l'occasion de profiter de jours de repos.
En se levant il n'avait aucune idée de comment il allait occuper sa journée.
Dormir était une perte de temps puisque son énergie était à son niveau maximum, et il ne pouvait pas faire grand chose d'intéressant dans la mine tout en maintenant son apparence de blessé.
Il décida d'aller voir Arch.
Le vieux mineur lui avait enseigné nombre de choses au cours des années, et Sulk n'ayant rien de mieux à faire, il pouvait tout simplement lui demander de lui apprendre de nouvelles choses.
La culture est une forme de pouvoir.
Sa mère et son vieil ami lui avaient appris cela très tôt, et maintenant il comprenait un peu mieux ce que cela voulait dire.
Arch était l'un des seuls mineurs de toute la mine de Kvara du Nord à avoir des connaissances en soin et en médecine.
Heureusement les accidents dans la mine n'étaient pas très fréquents, et Arch se contentait principalement de prescrire différentes plantes médicinales aux blessés, mais Sulk avait toujours trouvé ça impressionnant.
Si il pouvait en apprendre plus sur le sujet, cela ne pourrait se montrer que bénéfique.
Et il pourrait soigner Kahn directement, l'aidant au mieux jusqu'à ce que les gardes se lassent de lui.
Sulk et Kahn finirent leur repas rapidement, et sortirent ensemble de la salle commune. Alors qu'ils s'apprêtaient chacun à aller de leur côté, Kahn apperçut Mujin.
Le grand garde se tenait, les bras croisés près des échelles menant aux étages inférieurs.
Kahn tira nerveusement sur la lanière en cuir de son sac de toile, et baissa les yeux.
Sulk se tenait à ses côtés lorsqu'ils passèrent juste à côté de Mujin.
Le contremaître ne décroisa pas les bras, et regarda passer les jeunes garçons.
Bien que Sulk ne le regarda pas directement, le fait qu'il accompagne Kahn jusqu'à l'échelle en disait long.
Finalement, Kahn se mit à descendre les barreaux de l'échelle, et Mujin souffla discrètement.
Il se détourna finalement et s'en alla d'un pas lourd sans se retourner.
Sulk n'avait pas provoqué ouvertement Mujin, mais il lui avait fait passer un message.
Kahn était son ami. Et si le jeune garçon avait pu gagner sa confiance, peut-être n'était il pas si mauvais.
Mujin était tiraillé entre son éducation militaire et son instinct.
Il avait toujours haït les criminels, et avait passé la moitié de sa vie à les poursuivre pour rendre justice aux gens honnêtes.
Mais l'autre moitié de sa vie avait été passée à miner dans les profondeurs et à vivre en esclave.
Il avait passé des années entouré par des mineurs qui avaient différentes origines.
Certains avaient surement été envoyés dans les profondeurs comme punition de la loi, d'autres n'avaient juste pas eu de chance.
Mais il avait partagé le quotidien de ces mineurs malgré tout.
Le fait d'être devenu garde avait peut-être changé sa nature à nouveau, et son côté militaire et autoritaire avait pris le dessus.
Cependant le garçon était bel et bien marqué du châtiment des voleurs, et avait perdu sa langue, et c'était dur à ignorer.
Peut-être que la mine lui servirait de rédemption.
La mine révélerait sa vraie nature bien assez tôt, lorsqu'il comprendra l'horreur de l'enfermement.
Mujin tourna à l'angle d'un tunnel et disparut de la vue de Sulk, perdu dans ses pensées et ses réminiscences.
Sulk souffla d'un air rassuré.
Maintenant que Kahn et Mujin étaient partis dans des directions opposées, il se sentait mieux.
Il avait tenu à montrer à Mujin que Kahn était quelqu'un de proche et qu'il ne le laisserait pas se faire martyriser impunément.
Cependant Sulk n'était pas certain de pouvoir tenir tête à l'immense garde qui l'impressionnait toujours.
De plus il avait une faveur envers lui, suite à la protection qu'il avait offert la veille contre Faryl.
Sulk décidait cependant de continuer à montrer à Mujin que Kahn n'était pas une mauvaise personne. Si Mujin laissait Kahn tranquille, personne d'autre ne viendrait lui chercher des problèmes.
Peut-être même que Faryl le laisserait à son tour.
Maintenant que la journée de travail avait commencé pour son ami muet, il n'aurait surement plus aucun problèmes avant le soir.
Sulk se mit alors en chemin de l'atelier de Arch.
Il marcha lentement, gardant bien sa démarche de convalescent, au cas où quelqu'un le verrait, vers le premier niveau de la mine.
Entre deux ateliers de tri, il passa par une petite ouverture fermée par un rideau de paille.